OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Exclusif: Internet a créé 25% des emplois en France depuis 1995 http://owni.fr/2011/03/08/exclusif-internet-a-cree-25-des-emplois-en-france-depuis-1995/ http://owni.fr/2011/03/08/exclusif-internet-a-cree-25-des-emplois-en-france-depuis-1995/#comments Tue, 08 Mar 2011 18:29:49 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=50374

Que représente le secteur Internet dans l’économie française ? Comment évaluer la contribution réelle d’un secteur qui n’est pas défini comme tel dans les statistiques nationales ?

Pour répondre à ces questions, le cabinet américain McKinsey & Company a réalisé, avec le soutien de Google, un rapport sur l’“Impact d’Internet sur l’économie française”, sous-titré “Comment Internet transforme notre pays“.

Contacté par OWNI, McKinsey nous a répondu que le rapport devait être rendu public, sur internet-impact.fr, ce mercredi 9 mars à minuit. Nous avons réussi à nous le procurer entre-temps, et ne pouvons pas résister à vous en révéler les principaux enseignements.

Internet a permis la création d’1,15 millions d’emplois

Dans sa présentation, McKinsey avance que “la contribution d’Internet, qui pèse 60 milliards d’euros dans l’économie française, soit 3,2% du PIB en 2009, contribue plus que d’autres secteurs de l’économie tels que les transports, l’énergie, l’agriculture, la finance ou encore le commerce” :

Au delà de cette contribution directe, Internet est responsable d’un quart de la croissance française entre 2004 et 2009.
McKinsey estime qu’en 2015 la part du secteur Internet dans le PIB français pourrait s’élever à 5,5%, contre 3,2% aujourd’hui.

Internet aurait ainsi :

  • créé plus de 700 000 emplois, soit 25% des emplois créés en France depuis 1995,
  • induit le déplacement de plusieurs emplois : en net 2,4 emplois ont été créés pour 1 emploi réalloué,
  • au total, Internet a permis la création d’1,15 millions d’emplois, soit 4,2% de la population active,
  • 28% de ces emplois ont directement été créés par les acteurs de l’Internet.

Internet pourrait représenter ¼ de la progression du PIB

Au sein de cette contribution, note le rapport, la consommation domestique privée (accès Internet fixe et mobile, achats de biens et services sur Internet…) représente “32 milliards d’euros, soit plus de la moitié de la contribution au PIB, dont 25 milliards uniquement pour les dépenses de e-commerce“.

De plus, si la publicité en ligne a représenté 2,5 milliards d’euros, en 2009, “28 milliards d’euros d’achats en magasin ont été effectués suite à une recherche d’informations sur Internet“.

Le rapport estime également qu’en 2010, la “valeur des services gratuits (financés par la publicité)” sur Internet est évaluée à 7 milliards d’euros par les internautes français, soit 11% des dépenses TIC et média, et que “par ailleurs, Internet a généré 2,5 milliards d’euros d’économie pour le consommateur

Internet pourrait créer 450.000 emplois à l’horizon 2015

Le rapport met en avant les marges de progression, en s’appuyant sur les exemples à l’étranger (Etats-Unis, Royaume-Uni, pays scandinaves). Internet pourrait :

  • contribuer au quart de la croissance française des trois prochaines années
  • créer 450.000 emplois à l’horizon 2015
  • et représenter 5,5% du PIB (129 milliards d’euros)

Les experts de McKinsey soulignent plusieurs freins à la croissance numérique, à commencer par celui des PME, qui ne se servent pas assez d’Internet. A titre d’exemple, moins de la moitié des petites et moyennes entreprises (47%) possèdent un site Internet. Autre constat : le secteur public ne s’implique pas assez. Le rapport souligne la nécessité de prolonger le plan France Numérique 2012 initié par Eric Besson lors de son premier passage à l’économie numérique, en incitant les acteurs privés à renforcer les infrastructures.

Les auteurs du rapport ne le disent pas, mais ont du penser très fort que ces enjeux méritent de figurer parmi les principaux thèmes de la campagne présidentielle de 2012.

Téléchargez le rapport McKinsey, ainsi que la plaquette des chiffres clés.

Image CC flyzipper.

MaJ 22h30 : correction du sous-titre du rapport, “Comment Internet transforme notre pays“, et non “avec le soutien de Google” + mention du fait que McKinsey nous avait demandé d’attendre minuit… sauf qu’on l’a trouvé avant ;-)

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Bonne résolution pour 2011 : guérir l’économie de la maladie de la croissance http://owni.fr/2010/12/31/bonne-resolution-pour-2011-guerir-leconomie-de-la-maladie-de-la-croissance-decroissance-crise-pib-ecologie/ http://owni.fr/2010/12/31/bonne-resolution-pour-2011-guerir-leconomie-de-la-maladie-de-la-croissance-decroissance-crise-pib-ecologie/#comments Fri, 31 Dec 2010 16:19:04 +0000 Stanislas Jourdan http://owni.fr/?p=37458 A l’exception notable d’une branche d’Europe Ecologie, l’ensemble de la classe politique positionne ses programmes politiques dans des objectifs de recherche de la croissance économique. La croissance est ainsi vue comme le seul moyen de résoudre le chômage, de rembourser les colossales dettes publiques, et de réduire les inégalités.

Pourtant, alors que nous ne sommes qu’à l’aube d’une nouvelle crise financière, notre espérance de croissance a-t-il jamais été aussi faible ? Et alors que de plus en plus de voix se lèvent pour prôner la décroissance, n’y a-t-il pas des raisons légitimes de croire que le capitalisme arrive à la fin d’un cycle expansionniste ?

Après m’être attaqué il y a quelques semaines au mythe du plein emploi, c’est donc le mythe du retour de la croissance qu’il faut aujourd’hui abattre pour construire le monde de demain.

Quand la croissance ne permet plus de rembourser les dettes…

Tout d’abord, commençons par analyser la conjoncture actuelle. Les rocambolesques « sauvetages » de la Grèce ainsi que de l’Irlande nous présagent un avenir bien sombre sur l’ensemble de l’Europe. De quoi s’agit-il exactement ? Ce n’est pas aussi compliqué que cela puisse paraitre, et je vais en tout cas essayer de résumer la situation.

Les états européens accumulent les déficits publics depuis 30 ans. Pour se financer, ils se sont endettés sur les marchés en émettant des obligations (= des dettes à moyen terme). Qui achète ces obligations ? Essentiellement les banques, assurances et autres investisseurs de nos propres pays, parfois même des investisseurs étrangers (la Chine par exemple). Pourquoi le font-ils ? Parce que les états sont théoriquement des agents qui ne peuvent pas faire faillite, donc les obligations sont réputées « sans risque », la bonne affaire quoi!

Sauf que la crise financière des subprimes de 2008 a accéléré l’endettement des états, qui ont perdu leurs dernières plumes dans des plans de relance coûteux et inefficients. Du coup, ceux-là même (les banques) qui achetaient les yeux fermés les obligations d’état se sont levés un bon matin en réalisant que l’état grec n’était plus en état de payer. Ils se mettent donc à revendre massivement leurs titres, provoquant ainsi une panique et une hausse des taux des obligations vers 12-13% voire plus, ce qui signifie que la Grèce ne peut tout simplement plus financer son fonctionnement : c’est la faillite.

Afin d’éviter cela, l’Union européenne a décidé de créer un fond de stabilité, qui permet à l’UE de racheter des obligations grecques pour rassurer le marché et financer la Grèce à un coût raisonnable.

Le problème, est que la Grèce, bien que dans une situation exceptionnelle, n’est pas un cas isolé. Répétez le scénario au cas de l’Irlande (fait), de l’Espagne (ça arrive…), du Portugal, de la Belgique, de l’Italie et de la France, et vous comprendrez alors que la sphère financière est comme une épée de Damoclès au dessus de l’économie européenne. Notre espérance de croissance est complètement hypothéquée par les marchés. Combien faudrait-il de milliards d’euros pour sauver tous ces pays surendettés ? Certainement trop…

Mais d’ailleurs, quand bien même le fond de stabilité permet de remettre à flots les pays qui en ont besoin, il n’est pas du tout certain que cela suffise à remettre ces pays « dans le droit chemin ». Car la contrepartie de l’aide de l’Europe, c’est la mise en place de plans de rigueur. Or ces plans vont naturellement freiner la croissance par la baisse du pouvoir d’achat. Concrètement, un pays comme la Grèce n’a que 2 options : entrer dans la déflation afin de relancer sa compétitivité à moyen terme (comme le suggérait Dominique Strauss-Kahn) ; ou au contraire provoquer de l’inflation, ce qui permet de faire « fondre » la dette souveraine. Mais dans tous les cas, la  croissance à court terme est très fortement compromise par les deux scenarii ! Or, en absence de croissance, comment feront les états pour rembourser les nouvelles obligations émises (et leurs intérêts !) ??!

Bref, vous l’aurez compris, nous sommes loin de la « reprise » que nous promettaient nos dirigeants il y a quelques mois.  Mais la vérité est plus profonde que cela. Ce que nous rappelle cette crise, c’est que depuis les années 80, nous avons endetté toujours plus massivement encore la société (citoyens, entreprises et états confondus) pour tenter de stimuler une croissance inexistante et ainsi retrouver le plein-emploi. Mais cette croissance n’était que virtuelle, car, étant sans cesse dans l’impossibilité de rembourser les intérêts de la dette (vu que la croissance n’était pas suffisante…), son coût était sans cesse repoussé par de nouveaux emprunts… Après la crise de 2008 « sanctionnant » le niveau excessif des dettes privées, c’est aujourd’hui les dettes publiques qui se trouvent dans le collimateur de la méfiance des marchés. La boucle est bouclée…

La morale de cette histoire, c’est que le surendettement généralisé du système ne peut plus continuer. Nous touchons aux limites du système, la fin d’un cycle : nous devons nécessairement trouver d’autres moyens de financer l’économie (en reprenant par exemple la souveraineté de la création monétaire – perdue depuis Maastricht). Mais en attendant, il faut bien que quelqu’un paie… !

… ni de créer de l’emploi

Nous venons de voir comment, derrière une crise en apparence conjoncturelle, notre espérance de croissance à court et moyen terme avait été anéantie par la  sphère financière. A présent, analysons comment les autres fondements de la croissance économique du XXème siècle sont remis en cause : les ressources naturelles et la démographie.

Ce n’est un secret pour personne, notre économie repose en grande partie sur la consommation de matières premières dont les réserves naturelles sont par nature limitées : le pétrole, le cuivre, le gaz, le charbon, l’uranium etc. Sans ces ressources là, nous serions incapables de produire et marchander autant qu’aujourd’hui. Certes, personne ne peut prétendre savoir quand nous serons à court de ces-dites ressources, mais nous savons tout de même que nous ne pourrions soutenir les besoins planétaires si le reste du monde avait le même niveau de vie moyen que celui des citoyens des pays développés. Autrement dit, dans l’état actuel, si la croissance de pays comme la Chine et de l’Inde continue, elle se heurtera nécessairement au manque de ressources planétaires (ce qui nuirait alors à la croissance mondiale).

D’autre part, nous savons que la population des pays développés est vieillissante et que notre population ne croît aujourd’hui que grâce à l’immigration. Qu’en sera-t-il à l’avenir ? Il est fort probable que la population actuellement stagnante va diminuer, réduisant de fait la consommation domestique (qui est le principal moteur de la croissance française de ces 15 dernières années…) Dans les pays du Sud qui n’ont pas achevé leur transition démographique (l’Afrique surtout), la population augmentera encore pendant quelques décennies, alors même que l’on ne sait même pas comment nourrir les populations existantes. Les capacités de production risquent de ne pas subvenir aux besoins des prochaines générations.

Tout semble donc indiquer que notre système économique n’est pas viable dans ces conditions. En fait, la notion de croissance (sous-entendu : illimitée) risque de se confronter à la réalité des limites de notre planète dans laquelle la plupart des ressources ainsi que la population ne peuvent pas être illimités. Nous avons tendance à l’oublier, mais la croissance des 50 dernières années a été exceptionnellement exponentielle. Il ne serait donc pas « anormal » qu’elle ralentisse fortement au XXIème siècle. Comme le suggère le graphique ci-dessous (déniché ici), nous ne ferions qu’entrer dans une nouvelle péridode : la phase de stabilisation de la croissance :

Que nous réserve un avenir sans croissance ? Avant de tenter d’en projeter quelques pistes, faisons tout d’abord la critique du modèle de croissance. La croissance n’est qu’une représentation statistique de l’expansion de l’économie. On sait bien que le PIB n’est pas du tout représentatif du bonheur d’une population. C’est évident, mais toujours bon à rappeler : si la croissance ne profite qu’à 10%, et appauvrit les 90% restants, alors à quoi bon la rechercher ?

Et c’est malheureusement à peu près ce qui se passe en France depuis les années 80.

D’une part, on constate que le lien entre croissance et emploi s’est affaibli. Autrement dit, la croissance économique n’est pas nécessairement créatrice d’emploi, notamment en raison des gains de productivité comme je l’expliquais dans mon dernier article, étroitement lié à l’augmentation du travail à temps partiel subi. Nous assistons donc à une « croissance sans emploi ».

Source : Rapport Insee : Le contenu en emplois de la croissance française (pdf)

Par ailleurs, nous savons également que la croissance des 30 dernières années est marquée par un partage déséquilibré de la valeur ajoutée entre capital et travail qui est la conséquence directe d’un rapport de force défavorable aux travailleurs (en raison du au chômage). Ce rapport est stabilisé à environ 67% depuis 1985 au lieu de 72% auparavant.

Pas grand chose me direz-vous, sauf que dans le même temps, la rémunération du travail a progressé très faiblement, à un rythme moins élevé que la croissance de la valeur ajoutée (0,7% pour les salaires contre 2% d’augmentation de la VA). Cette stagnation, couplée à une inflation (même sous contrôle), entraine naturellement une baisse du pouvoir d’achat dont plus d’un se plaint aujourd’hui. Cependant, plutôt que de se cantonner au clivage classique « actionnaires vs. salariés », n’oublions pas que la valeur ajoutée partageable est aussi plombée par le poids des cotisations sociales. Il résulte donc en partie d’un choix de société : une large couverture sociale en échange de moins de pouvoir d’achat.

Source : rapport de l’Insee : Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France (pdf)

Enfin, autre point à noter, la croissance économique ne tient pas compte des externalités négatives qu’elle commet. Ainsi, lorsqu’une entreprise pollue une rivière, ou qu’un secteur crée à lui seul une crise économique (suivez mon regard…) il contribue tout de même à la croissance. Pire, lorsqu’une autre entreprise dépollue, son activité génère également de la « croissance »… Je vous laisse imaginer ce que cela donne lorsqu’une seule entreprise fait les 2 activités (exemple de l’industrie de l’armement qui conçoit à la fois les mines anti-personnelles et les appareils de déminages…).

Pour conclure, malgré la croissance économique des 30 dernières années, il semble que les inégalités se soient creusées tout en remettant en cause la soutenabilité de l’environnement pour les générations futures. La croissance, n’est donc pas forcément positive en soi. Si elle ne profite qu’à certaines populations, au détriment d’autres, alors la croissance peut même avoir un effet nul sur le progrès d’une société. Sommes-nous en arrivé là ? Difficile de trancher en l’absence d’indicateurs précis sur ce sujet. Et puis surtout, on peut également objecter que la situation serait pire sans croissance. Cela est peut être vrai pour la période qui s’achève, mais qu’en est-il de la période à venir ? N’y a-t-il pas des moyens de faire progresser la société sans croissance économique ?

Puisque les fondements de la croissance économiques sont aujourd’hui abbatus, allons nous alors vers la catastrophe ? L’économie va-t-elle se réduire, nos niveaux de vie diminuer ? Allons nous donc vers la décroissance absolue, ou assistons nous simplement à une transition vers un autre paradigme économique?

De l’accaparement au partage : remettre l’économie dans le droit chemin

Le paragraphe précédent nous permet déjà de relativiser ces craintes : la croissance n’a de toute façon jamais permis de résoudre tous les problèmes. Au contraire, elle les a parfois aggravé. Mais outre cela, il faut nuancer le concept « décroissance ». Il ne s’agit en aucun cas d’une décroissance absolue : certains secteurs d’activités, zones géographiques continueront de croitre.

Par exemple, la pénurie prochaine de ressources naturelles nous incitera à trouver de nouveaux moyens d’économiser ou de recycler les matières premières : il faudrait faire plus avec moins, alors que le capitalisme se contentait de l’efficacité, nous devrons rechercher l’efficience. L’économie aura pour salut les gains de productivité qui seront source de croissance dans les secteurs qui en vaudront la peine (mais ce type de croissance ne sera pas créateur d’emploi, au contraire).

Par ailleurs, comme le notait Thierry Crouzet dans sa relecture de Paul Ariès (un des promoteurs de la décroissance), si les ressources physique sont effectivement limitées, le monde de l’immatériel, lui, ne l’est absolument pas. Ainsi, on peut aisément imaginer qu’à l’heure de la société de la connaissance, nous verrons apparaitre de nouvelles formes de croissance. L’économie de l’abondance, de la gratuité, des modèles open-source… voilà déjà des exemples de création de valeur émergents qui semblent échapper aux logiques économiques traditionnelles ! La valeur de wikipédia pour la société est incommensurable, pourtant sa contribution au PIB n’apparait dans aucune ligne de compte !

Au terme de « décroissance »,  je privilégie donc le terme de « post-croissance » car il sous-entend davantage l’arrivée d’une nouvelle ère, d’un nouveau paradigme : celui où la croissance économique n’est pas au centre du système.

Car finalement, le problème de notre système, c’est justement que sans croissance, il part en vrille : le chômage, les dettes, la finance etc… Nous avons construit une société dont la croissance est à la fois le moteur et le talon d’Achille. C’est donc précisément de cette relation de dépendance qu’il faut s’échapper. L’économie post-croissance, ce serait donc une économie qui permette de continuer à progresser quel que soit le niveau de croissance. Et vous serez peut être surpris, mais c’est possible.

Peter Victor, économiste canadien et auteur de Managing Without Growth a réalisé un logiciel permettant de faire des simulations économiques sans croissance (ou très peu) à partir de différentes hypothèses d’investissement, de consommation, de gains de productivité etc. Ses conclusions aboutissent à l’édification de plusieurs scénarios possibles, tous très différents : catastrophiques autant que positifs. La question n’est donc pas tant de savoir si notre société peut survivre sans croissance, mais de déterminer ce qu’il faut mettre en œuvre pour que cela soit possible !

Sur la base des meilleurs scénarios qu’il a trouvé, Peter Victor propose les directives suivantes :

  • soutenir massivement et directement les populations les plus pauvres ainsi qu’une meilleur répartition des richesses en général (moins de « super-riches ») ;
  • investir dans la production de biens publics plus que des « positional goods » (biens de consommation ostentatoires), ainsi que des investissements de productivité ;
  • Dans l’idéal, les balances commerciales devraient être nulles (exports = imports).
  • la population doit stagner.
  • l’établissement de quotas d’utilisation des ressources naturelles ou de production d’externalités négatives.

Ces politiques sont loin d’être hors de portée. Des mesures comme le revenu garanti minimum associé à un système monétaire à dividende universel, les monnaies complémentaires, ou encore la réforme de la fiscalité, l’extention du domaine de la gratuité, sont des exemples de mesures concrètes et réalisables qui s’inscrivent parfaitement dans cette perspective.

Malheureusement, il semble que l’on soit en train de prendre une direction tout à fait opposée. Accrochés à leurs vieux dogmes obsolètes, les politiques vont continuer à nous vendre leur soupe à la croissance pendant un certain temps encore.  Ils empireront encore plus la situation comme ils le font actuellement en essayant de sauver le système financier.

La crise de la dette souveraine qui vient va faire mal, très mal. Nous pouvons tout juste espérer qu’elle fera surtout mal aux « bonnes personnes » (i.e. les plus riches) et qu’elle sera le coup de fouet salutaire qui nous forcera à changer nos mentalités et nos comportements… Mais dans tous les cas, les 10 prochaines années risquent d’être longues avant que l’on entre enfin dans le XXIème siècle.

Sources des graphiques et autres données statistiques :
Le contenu en emplois de la croissance française (rapport Insee)
Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France (rapport Insee)
Consultez aussi mon pearltree sur la décroissance

Article initialement publié sur Tête de quenelle sous le titre La croissance économique est au bout du rouleau.

Photos FlickR CC Anne Oeldorf-Hirsch ; killthebird ; The US National Archive ; Josep Tomas.

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Et si on donnait à l’argent une odeur de sainteté ? http://owni.fr/2010/12/03/definir-dautres-valeurs-avec-des-monnaies-libres/ http://owni.fr/2010/12/03/definir-dautres-valeurs-avec-des-monnaies-libres/#comments Fri, 03 Dec 2010 11:39:38 +0000 Admin http://owni.fr/?p=37877

Billet publié initialement sur OWNIpolitics sous le titre : Les monnaies sociales: et si on arrachait aux banques le privilège de la monnaie ?

La croissance du PIB reflète-elle le bien-être de notre société ? Notre richesse se mesure-t-elle à notre compte en banque ? Fin 2009, une amie nous prête le livre de Patrick Viveret, « Reconsidérer la Richesse », sa Bible nous dit-elle, elle deviendra aussi la notre…

Patrick Viveret critique le PIB, expliquant que cet indicateur est complètement inadapté aux grandes questions sociales et écologiques, voire qu’il est même contreproductif ! Même si la plupart de nos responsables ne se fient qu’à sa croissance, le PIB n’est pas vraiment la meilleure boussole ! Il se moque de la nature et de l’impact des activités qu’il additionne pourvu que celles-ci génèrent des flux monétaires. Il comptabilise positivement toutes les destructions. Aussi aberrant que cela puisse paraître, les catastrophes comme la vache folle, l’Erika ou encore les accidents de la route sont alors de vraies bénédictions pour notre Produit Intérieur Brut !

Une unité de mesure devenu objet de spéculation

Patrick Viveret poursuit sa critique avec le système monétaire.

L’argent est le nerf de la guerre, il régit notre monde! Or le droit de créer de la monnaie a été transféré aux banques à travers l’émission de crédits, sans véritable débat démocratique. Pourquoi une communauté ne pourrait-elle pas produire elle-même l’argent dont elle a besoin ? Après tout, la monnaie n’est qu’un moyen de paiement scellant un « accord » entre 2 parties. C’est une unité de compte qui ne devrait pas avoir de valeur en soi.

Comme les mètres ou les kilos, la monnaie est un étalon qui permet d’additionner des éléments hétérogènes et ainsi multiplier les échanges. Mais au lieu d’être un simple moyen au service de la création de richesses, la monnaie est devenue un bien, un bien privé qui a lui-même de la valeur, objet de compétition, de spéculation, de thésaurisation. Et c’est ainsi qu’on finit par penser que la richesse se mesure à son compte en banque….

Parmi les solutions proposées par Patrick Viveret, les monnaies sociales ! Pour la première fois, nous découvrons cette expression originale qui associe deux termes à priori assez antinomiques.

Les monnaies sociales : point de départ d’une économie de partage

Elles désignent un ensemble de dispositifs d’échange de biens, de services ou de savoirs organisés par et pour de petites communautés au moyen d’une organisation monétaire ad-hoc, une monnaie propre à une communauté.

En d’autres mots, il s’agit d’échanger sans argent conventionnel mais avec une monnaie propre à la communauté. Créer une économie complémentaire, basée sur l’autogestion, le partage et la coopération. C‘est un peu comme du troc, mais en beaucoup mieux.  Avec le troc, si X veut acquérir un DVD auprès de Y, il faut que X ait quelque chose à offrir, d’une valeur équivalente, et qui intéresse Y. Sinon, l’échange ne peut avoir lieu. En créant une monnaie ad hoc, j’échange avec un membre auquel je transmets des unités de compte qu’il pourra utiliser, quand il voudra, pour acquérir ce qu’il aura choisi dans un autre échange.

Les monnaies sociales sont parfois perçues comme une innovation modeste de troc « amélioré ». Nous pensons qu’elles sont un fantastique vecteur de transformation de la société.
Les monnaies sociales permettent de :

  • Transformer la nature des échanges, en récréant le lien social, ciment essentiel d’une communauté.
  • Relocaliser l’économie en développant des sphères locales de production et d’échange de biens et services. La monnaie, n’ayant de valeur qu’au sein d’une certaine communauté, ne fuit pas à l’extérieur.
  • Lutter contre la pauvreté, en fournissant des moyens supplémentaires d’acquisition de biens, capables de multiplier par deux, et parfois par cinq ou dix, le revenu moyen d’une famille.
  • Lutter contre l’exclusion, en insérant les personnes sans emploi dans une logique d’échange mettant en valeur leurs capacités contributives et leur redonnant confiance et espoir.
  • Préserver l’environnement, en privilégiant production et consommation locales, et en valorisant les produits d’occasion.

Les monnaies sociales nous apparaissent comme un levier de transformation incontournable pour favoriser un développement soutenable. Convaincus à 200% par ce formidable outil, nous décidons de quitter nos emplois respectifs et notre vie parisienne pour consacrer nos prochaines années au développement et à la promotion de ces monnaies complémentaires !

Et l’aventure commence …

Dans les mois à venir, les trois trentenaires à l’origine de l’association Taoa (pour There are another alternative, contradiction du slogan néolibéral définitif Tina de Margaret Thatcher) ont pour projet de parcourir plusieurs pays d’Amérique Latine pour y explorer des initiatives de monnaies alternatives : sucre, circuit de troc, etc. Curieux de toutes les initiatives de changement de société, OWNIpolitics publiera (grâce à l’aimable autorisation de l’association) les comptes-rendus de ces explorations monétaires au fil des mois.

Compilation de deux billets initialement publiés sur le site de l’association There are another alternative (Taoa) sous les titres « Reconsidérer la richesse », comment un livre a changé nos vies … et Les monnaies sociales en quelques mots.


Photo : FlickR CC Donovan ; Bill Jacobus.

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Les paysans victimes d’une agriculture de guerre http://owni.fr/2010/11/04/les-paysans-victimes-dune-agriculture-de-guerre-kokopelli-pesticides-agroalimentaire-nourritur/ http://owni.fr/2010/11/04/les-paysans-victimes-dune-agriculture-de-guerre-kokopelli-pesticides-agroalimentaire-nourritur/#comments Thu, 04 Nov 2010 15:23:35 +0000 Christian Fauré http://owni.fr/?p=37096 Dominique Guillet, fondateur de Kokopelli, association qui produit et distribue des semances potagères bio de variétés anciennes, fait l’ouverture du documentaire « Solutions locales pour un désordre global » de Coline Serreau. Il va poser ce qui constitue les prémices de la thèse qui est défendue par la réalisatrice :

Qu’est-ce que c’est la première guerre mondiale en fait ? C’est l’éradication de la paysannerie franco-germanique qui se fait massacrer au front, des millions de paysans sont morts !

Puis il poursuit :

Et donc, cette entreprise de dé-paysannerie a été parachevée par le deuxième guerre mondiale. Et viens se greffer, par dessus tout cela, la synthèse de l’ammoniaque qui permet de faire des bombes et qui après permet de faire des fertilisants de synthèse. Ensuite, l’invention du gaz moutarde qui va donner quoi ? Eh bien tous les insecticides, qui sont des gaz de combats. Puis, avec le plan Marshall de 1947, les États Unis arrivent avec leur tracteurs qui sont la suite logique des tanks. Donc, en fait, l’agriculture occidentale est une agriculture de guerre.

Ce propos est ensuite souligné par celui d’Ana Primavesi, ingénieur agronome, docteur, professeur en gestion des sols de l’université de Santa Maria:

Cette agriculture occidentale est un pacte, une alliance entre deux parties. Le deal était entre l’agriculture et l’industrie qui, après la seconde guerre mondiale, avait d’énormes stocks de poison sur les bras, qui devaient soit-disant « tuer des ennemis » mais, une fois la guerre finie, il n’y avait plus d’ennemis à tuer.

Elle poursuit :

Alors [...] on a eu une idée fantastique. On a dit : l’agriculture n’achète presque rien à l’industrie, de temps en temps un petit tracteur, mais rien quoi… Alors on va faire comme ça, on va passer un accord : l’agriculture achètera des machines puissantes, des engrais chimiques, des pesticides, le tout provenant de l’industrie. L’industrie empochera les bénéfices, l’agriculture sera déficitaire, mais le gouvernement va détourner une partie des impôts pour subventionner et renflouer l’agriculture.

La « révolution verte » est l’expression douteuse qui désigne le bond technologique de l’agriculture pendant la période 1945-1970, grâce aux progrès scientifiques de la première partie du 20° siècle. Elle a été largement diffusé dans le monde jusqu’à modifier radicalement le visage de la paysannerie mondiale et, par voie de conséquence, l’ensemble des ressources naturelles.

Fumigation aérienne en Argentine.

En se lançant à la conquête de l’agriculture, en faisant de l’agriculture un marché industriel, cette industrie dont les racines plongent dans une économie de guerre va défigurer pays et paysans. Cette défiguration repose sur un processus de dissociation systématique de l’économie du vivant.

[Dans son fond cette politique industrielle est profondément pétrie de la métaphysique occidentale et de l'hégémonie de son schème hylémorphique, il faut être ainsi aveuglé par cette pensée pour en arriver à croire que la terre n'est qu'un substrat, de la matière morte et inerte.]

Maintenir le vivant malade pour qu’il reste rentable

Il s’agit d’une dissociation en ce sens que la démarche consiste à briser les liens économiques et écologiques. Les processus naturels sont niés et détruits dans l’objectif d’y substituer l’utilisation des produits de l’industrie. Les milieux qui étaient naturellement associés sont décomposés pour être ensuite recomposés artificiellement dans un milieu industriel dissocié.

Ce milieu industriel dissocié qui s’est mis en place n’a cessé de se généraliser en tendant à privatiser les ressources naturelles en y substituant des ressources artificielles, notamment avec le scandale des semences.

Cette agriculture intensive et industrielle a une production qui n’est pas saine, qui est toujours toxique, même si c’est à des degrés divers et même parfois infinitésimaux. Pourquoi produire des plantes (mais la question vaut aussi pour les animaux) malades ? Cela se comprend aisément : plus les plantes sont en mauvaise santé durant le cycle de leur exploitation, plus il faudra utiliser les services et les produits de l’industrie chimique et agro-alimentaire pour les maintenir en vie, sous perfusion.

L’ensemble de ces actions visant à maintenir le vivant malade induit en même temps une augmentation du nombre de transactions qui fait mécaniquement augmenter le PIB d’un pays. De là à interpréter le PIB comme une mesure indiquant le degré d’intoxication d’une nation, il n’y a qu’un pas. Un pas que l’on peut franchir lorsqu’un intervenant du documentaire de Coline Serreau explique que :

[...] une rivière en bonne santé n’est pas valorisée en économie, elle ne représente aucune richesse. Mais commencez par la polluer puis essayer de réparer l’irréparable et vous observerez que tout cela a augmenté sensiblement le PIB. (citations de mémoire)

Face à de tels exemples, on comprend l’importance et l’enjeu de la réforme du PIB. Indicateur qui est devenu un instrument de mesure qui ne valorise essentiellement que l’ensemble des transactions d’une industrie qui fonctionne de manière quasi exclusive sur le mode de la dissociation. (Extrapolons : occupez-vous de vos parents et vous ne produisez aucune richesse, mais mettez-les en maison de repos et vous augmentez le PIB, pareil pour vos enfants quand vous les faites garder voire quand vous les mettez devant la télévision.)

En ce qui concerne l’agriculture, le résultat est là : on a beau voir de beaux champs à perte de vue, symboles photogéniques de la modernité agricole mais, ce qu’il faut voir, c’est en réalité un désert stérile, un paysage mortifié et à l’agonie.

Le paysan devenu exploitant agricole, impuissant face au système qui les endette

La terre est morte, elle ne respire plus car toute sa diversité micro-biologique a été éradiquée à coup de labours et d’intrants toxiques. Même les blés que l’on voit de nos propres yeux ne sont que des morts vivants. Car tout a été fait et organisé pour que rien ne pousse et rien de croisse sans le recours à l’industrie de l’intensité : de la graine génétiquement modifiée et brevetée jusqu’à la récolte en passant par les pesticides, herbicides et engrais. Toute l’agriculture se fait en réalité « hors-sol » car la terre a été tuée. Il s’agit d’un terracide dont toute l’écologie environnementale et alimentaire paye quotidiennement son tribut économique et environnemental.

Sans surprise, mais avec encore plus de tristesse, on constate que ce que le capitalisme productiviste et consumériste fait à notre psychique (cf. la baisse tendancielle de l’énergie libidinale, la débandade généralisé et le malaise dans lequel nous sommes), il le fait aussi en même temps, dans une même tendance, à nos terres. À la prolétarisation du travailleur (perte de savoir-faire) , puis à celle du consommateur (perte de savoir-vivre) fait écho celle de l’agriculteur et du paysan, devenus exploitants agricole, c’est à dire qu’on en a fait les agents de leur propre déchéance.

En France, les premières et les plus grandes victimes de cette prolétarisation sont d’abord et majoritairement les exploitants agricoles regroupés sous le syndicat FNSEA. On y trouve de plus en plus des hommes qui sont devenus dangereux car endettés jusqu’au cou et empêtrés dans un système aberrant, soutenu par la politique agricole commune dont il sont à la fois les agents et les premières victimes. Quel système pernicieux !

Si le diagnostic est une chose importante et première, il doit toutefois conduire à des thérapeutiques et des thérapies, et notamment conduire à des processus de reconversion qui offrent de nouvelles perspectives. Le documentaire de Coline Serreau, qui m’a ici servi de prétexte, en donne. La réalisatrice en fait un résumé dans un cours entretien vidéo :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Il faut donc reconstruire nos pays et notre paysannerie et trouver des passerelles pour offrir des solutions non seulement à ceux qui sont devenus bien malgré eux des paysans prolétarisés mais également à ceux qui souhaitent se reconvertir dans la paysannerie. Si la question de la paysannerie est plus que jamais une question d’avenir, c’est aussi parce qu’il ne s’agit pas de revenir mille ans en arrière en niant les progrès accomplis : il y a nécessairement un avenir industriel et technologique à la question agricole, mais elle ne peut pas passer par des pratiques qui nous inscrivent dans la « mécroissance » sous prétexte de maintenir des rentes de situations industrielles héritées d’une industrie qui est en guerre contre l’humanité et la terre entière depuis près d’un siècle.

Je signale que le documentaire de Coline Serreau est en vente dès le 2 Novembre 2010, et que ce n’est pas qu’un produit de consommation, comme vous l’aurez sans doute compris (même si j’ai par ailleurs quelques réserves qui ne sont pas opportunes de développer ici et maintenant)

Billet originellement publié sur le blog de Christian Fauré sous le titre Prolétarisation paysanne et terracide.

Photo FlickR CC Ol.v!er [H2vPk] ; Santiago Nicolau ; C.G.P. Grey ; Diego Lorenzo F. Jose.

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http://owni.fr/2010/11/04/les-paysans-victimes-dune-agriculture-de-guerre-kokopelli-pesticides-agroalimentaire-nourritur/feed/ 2
La crise grecque expliquée par les datas en 1′40 http://owni.fr/2010/05/11/retour-aux-fondamentaux/ http://owni.fr/2010/05/11/retour-aux-fondamentaux/#comments Tue, 11 May 2010 11:17:24 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=15233 La crise grecque, on la connait. De méchants spéculateurs anglo-saxons tentent de semer la zizanie dans la zone euro alors qu’ils n’ont rien à y faire.

Pourtant, quand on regarde de plus près les fondamentaux (déficits publics, dette, PIB), on constate que la situation de la Grèce est compréhensible du point de vue des marchés.

On a collecté 3000 points de données chez Eurostat et Standards & Poors pour montrer pourquoi la Grèce doit faire face à de tels taux d’intérêts sur sa dette.

Comme je le montre sur la vidéo (où j’ai mis un costard, pour faire sérieux !), on peut jouer avec l’application pour analyser l’évolution des fondamentaux de chaque pays de l’Union.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les services statistiques grecs ayant eu une légère tendance à enjoliver leurs résultats, Eurostat ne dispose pas des données sur le déficit grec entre 1995 et 1998. Les chiffres présentés ici sont issus d’une enquête du quotidien grec Naftemboriki (voir sur The Independent).

Au final, la crise actuelle s’explique en grande partie par une dette et des déficits publics parmi les plus importants de l’Union à 27 depuis 1995. Ajoutez à ça un passif douteux sur la fiabilité des chiffres et le fait que la Grèce a été en défaut de paiement pendant près de la moitié de son existence (voir le livre This Time is Different) : on comprend mieux qu’on soit réticent à lui prêter de l’argent.

Comme le souligne Carmen Reinhart dans le Wall Street Journal, la crise grecque n’a rien d’exceptionnel. Encore une raison de se pencher davantage sur les fondamentaux.

Illustration CC Flickr: “Credit Crunch” par bitzcelt

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La Grosse Bertha http://owni.fr/2010/05/10/la-grosse-bertha/ http://owni.fr/2010/05/10/la-grosse-bertha/#comments Mon, 10 May 2010 14:45:05 +0000 Paul Jorion http://owni.fr/?p=15091 [Ce texte est un « article presslib’ »]*

Alors, est-ce vraiment depuis hier « Un pour tous, tous pour un » ?

On a en tout cas rassemblé 750 milliards d’euros. Autrement dit, on a sorti la Grosse Bertha.

Qu’est-ce qui s’est passé ces jours derniers ? Eh bien, tout ce à quoi on aurait dû penser à froid, au moment où l’on mettait en place la zone euro, on a été obligé de le résoudre à chaud, dans la précipitation et en courant dans tous les sens. Le texte du Traité de Lisbonne, tel qu’il a été rédigé, étant inutilisable, on a été obligé de le contourner par des astuces comme un SPV (Special Purpose Vehicle), une structure ad hoc à qui on prête de l’argent et qui elle, l’utilisera ni vu ni connu, sa spécificité étant qu’elle a le droit de faire toutes les choses qu’on s’était interdit de faire à soi-même. Et tout particulièrement que les nations dans la zone euro manifestent les unes envers les autres une réelle solidarité.

Eh ! que voulez-vous, c’est une Europe « libérale » que Maastricht avait mis en place, pas l’Europe solidaire dont on s’est rendu compte sur le tard qu’on avait réellement besoin !

Il reste un peu de naïveté cependant dans la démarche : défier la spéculation en se tambourinant la poitrine et en criant : « Je suis plus fort que toi ! », ça ne suffit pas. La spéculation est comme l’hydre de Lerne : on lui coupe l’une de ses sept têtes, ou même les sept à la fois, et elles repoussent aussitôt.

Ce qu’il faut mettre en place, pour mettre la spéculation hors d’état de nuire, c’est une interdiction des paris sur les fluctuations de prix. On ne pourra pas en faire l’économie.

Est-ce que tous les problèmes sont résolus ? Non bien sûr puisque le cadre conceptuel erroné est intact. Tant que la dette publique et le déficit d’une nation seront calculés par rapport à leur PIB, ils sembleront augmenter de manière mécanique en période de récession, par une illusion d’optique : simplement parce que les chiffres absolus sont divisés par un coefficient qui se réduit pendant ce temps-là comme peau de chagrin. Alors que c’est précisément dans ces périodes que les États devraient pouvoir mobiliser l’outil de l’endettement plus librement.

Pour que l’Europe de la zone euro cesse de s’en prendre à ses citoyens chaque fois que ses banquiers perdent certains de leurs paris, il faudra que dettes et déficits cessent d’être calculés en pourcentage du PIB. Si l’on ne résout pas cette erreur conceptuelle, toute crise aura toujours le même effet : elle débouchera sur des programmes d’austérité qui s’en prennent par priorité aux avantages sociaux.

Le Pacte de Stabilité de la zone euro doit être réécrit en des termes qui aient un sens du point de vue économique. Quand il aura un sens économique il aura automatiquement aussi un sens social.

Dans l’euphorie ambiante de ce matin, il ne faudrait pas perdre de vue que quelle que soit la radicalité apparente des mesures prises hier, le système qui siphonne l’argent du contribuable vers les plus grosses fortunes est toujours en place, et plus que jamais en excellente santé.

Lire, sur le même sujet et sur le même blog :

> Le Fil rouge

> La Grèce, Moody’s et le destin de la zone euro

> Pourquoi la Grèce peut sauver le monde

> Les gouvernements d’union nationale

Article initialement publié sur le blog de Paul Jorion

Illustration CC Flickr “The 10 on Crisis Street” par Andres Rueda

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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ATTAC et le Bonheur Brut : le printemps en automne ? http://owni.fr/2009/09/01/attac-bonheur-brut-pib-indice-aldair-turner-capitalisme-sarokozy/ http://owni.fr/2009/09/01/attac-bonheur-brut-pib-indice-aldair-turner-capitalisme-sarokozy/#comments Tue, 01 Sep 2009 10:14:10 +0000 Stéphane Favereaux http://owni.fr/?p=3091 Le Baron Seillère : « Tobin, elle ne passera pas par moi ! »

La Perfide Albion vient de glisser dans les oreilles des alter mondialistes une nouvelle qui va allumer sur leurs visages sans OGM un sourire de contentement, puisque, je ménage mes effets … Jonathan Adair Turner, grand magnat de la finance britannique, ancien grand patron des patrons, Ernest-Antoine mais en plus ouvert, soutient l’adoption de la taxe Tobin défendue par Attac … Londres, première place européenne financière où les Golden Boys ont eu, ces derniers mois, des soucis de santé puisque les portefeuilles étaient moins épais et les AmEx moins lourdes à porter, en fut quelque peu estomaquée lors du Tea Time.

God Save Tobin !!

Le parcours de J.A. Turner ne le prédispose pourtant pas à soutenir un projet qui s’oppose violemment à son parcours professionnel : BP, Chase Manhattan Bank (qui n’a pas encore fait faillite), président actuel de l’équivalent chez Elizabeth II de l’Autorité des Marchés Financiers … il faut croire qu’en période de remous, les marchés financiers ont beaucoup à apprendre de ces crises et des écosystèmes qui s’y corrèlent pour ouvrir les yeux et l’esprit, ce qui est mieux pour intégrer des notions telle que la taxe Tobin.

Le boss souhaite donc que la City adopte cette taxe visant à lutter contre la spéculation et à tout le moins la taxant de façon très minimale pour des revenus maximaux. Le Stock Option de l’alter mondialisme trouve enfin une caisse de résonance majeure avec Jonathan Adair Turner.

Les alter mondialistes applaudissent d’ailleurs des deux mains et y vont de leur soutien au Gendarme de la City : « Nous saluons la lucidité d’un des principaux acteurs de la finance globale, Adair Turner, actuel président de l’Autorité britannique des services financiers »

Et de poursuivre : si l’on veut faire « cesser les rémunérations excessives dans un secteur financier hypertrophié, [il faut] réduire la taille de ce secteur ou appliquer des taxes spéciales sur ses bénéfices avant rémunération. »

Les Alter mondialistes et J. Tobin, Prix Nobel d’économie,  en ont rêvé, Adair adhère et veut le faire.

Cet autre baron, le britannique, pas l’ancien dirigeant du MEDEF, va devenir l’homme qui murmure à l’oreille de José Bové mais surtout celui que la City va devoir abattre, enfin … destituer. Surtout si l’on en croit ses déclarations au magazine Prospect. Il y a fort à parier que les magnats de la banques, des salles de marchés et de la Bourse n’apprécie guère ce qui n’est visiblement pas de l’humour anglais mais une réalité.

Lord Adair, le baron rouge de la finance, ira-t-il jusqu’au bout de sa prise de position ? Ira-t-il dans le sens des réseaux Attac pour moraliser la finance, la dégonfler de son orgueil démesuré, de celui qui fait que le crapaud veut être aussi gros que le bœuf… ? On connaît tous la morale de La Fontaine à ce propos …

bonheur

Et si on mesurait le bonheur Brut ?

Depuis 1972, Kim Jigme Singye Wangchuck, le Roi du Bhoutan, ne se préoccupe guère de la croissance économique mais porte sa priorité sur le BNB, ou Bonheur National Brut, de ses sujets. Nombre de sociologues américains ont voulu reprendre cette idée, c’est le Net qui le développe grâce à un site.

Mais on constate qu’en cette période de rentrée, propice à la morosité après une saison sous le soleil, l’Indicateur de Bonheur Brut revient sur le devant de la scène. En juillet 1776, Thomas Jefferson, affirmait alors que la « poursuite du bonheur était un droit humain fondamental »… Et on sent que le Président tend à s’intéresser à cette Indicateur. Il faut dire que sa population en a besoin…

Nous savons déjà que la difficulté d’obtenir un indicateur de satisfaction fiable est grande … Mais les recherches sociales qui se développent à la fin des années 60 amènent à la création , du Centre d’Etudes et de Recherche sur l’Economie du Bien-Etre (CEREBE) à la tête duquel on trouve Philippe d’Iribarne … En 1971, Jacques Delors publie « Les indicateurs sociaux » (Delors Jacques (1971), Les indicateurs sociaux, Paris, SEDEIS, coll. Futuribles) et l’INSEE commence à publier des études et à proposer des Données sociales en 1973.

Plus tard, en 1990, Pierre Le Roy écrit une phrase remarquable : “A quoi sert-il d’avoir un PIB par tête très important si vous vivez dans un pays où la démocratie n’existe pas ? A quoi sert-il de vivre dans un pays riche si l’air que vous respirez est complètement pollué et si la majorité des habitants du pays voisins vivent dans le dénuement le plus complet ?”

Il propose alors de mesurer le Bonheur mondial à l’aune de quatre critères :

* la paix et de la sécurité
* la liberté
* la qualité de vie
* l’intelligence et la culture

Si ces critères sont rapidement discutés, parfois considérés comme discutables,  il n’en reste pas moins vrai qu’ils sont des indicateurs majeurs de l’état moral d’une population, a fortiori  de toute la population mondiale tant on se demande si la mondialisation ne deviendrait pas une source de bonheur. Selon les théories de P. le Roy, toujours.

Les mythes économiques sont vivaces puisque l’un des pères fondateur de l’économie moderne se mettait en quête de savoir quelles étaient les causes du bonheur des nations… mais dans ce type d’indicateur s’opposent des débats et des conceptions philosophiques, ontologiques, humanitaires ou morales qui s’opposent eux-même aux statistiques qui demandent à être parfaitement calibrées.

Dès lors, si les financiers se mettaient à penser comme le fait J.Adair Turner, avec une finance non plus uniquement voué à l’immédiateté du profit mais aussi fondée sur une participativité des marchés au développement mondial ; si l’on mesurait d’abord le bonheur d’une population avant de se préoccuper de ce cher PIB aujourd’hui maître mot des économies en croissance positive ou négative ;  si l’on faisait preuve d’un peu plus de créativité sans pour autant que celui-ci soit essentiellement opportuniste comme cela pourrait se définir dans les volontés du Président français ; l’indicateur de Bonheur Brut du Bhoutan pourrait s’appliquer à nos démocraties … C’est même le plan média de rentrée de Nicolas Sarkozy (adossé à deux prix nobels, pas moins!) dont vos médias ne vous ont pas encore fait part.

La créativité est une donnée essentielle à l’homme, à son bonheur. Si Sade pouvait affirmer que « tout le bonheur de l’homme est dans son imagination », il faut maintenant passer à la phase de réalisation.

J.A. Turner montre le chemin … Aux décideurs créatifs et non opportunistes de le suivre.

Photo de Une via Rocksane sur DeviantArt

Voir également l’article de Rue89 sur Aldair Turner

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