OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Cnil qui rit, Cnil qui pleure http://owni.fr/2012/07/11/cnil-qui-rit-cnil-qui-pleure/ http://owni.fr/2012/07/11/cnil-qui-rit-cnil-qui-pleure/#comments Wed, 11 Jul 2012 09:32:54 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=116032

Un jour, la Cnil aura le beurre et l’argent du beurre : des missions élargies ET des moyens augmentés en conséquence. Car pour l’heure, si elle se félicite de voir son champ agrandi dans son dernier rapport d’activité (pdf), elle déplore aussi de ne pas avoir les moyens d’y faire face. Une antienne qui n’a rien de nouveau.

La Cnil court après les caméras

La Cnil court après les caméras

La CNIL compte les caméras de vidéosurveillance et ses maigres économies. Pas de quoi surveiller les surveillants et ...

En 2011, la commission chargée de veiller à l’application de la loi “Informatique et Libertés” de 1978 a récupéré deux chapitres conséquents. Comme elle l’appelait de ses vœux, la Loppsi 2 lui a confié le contrôle des caméras de vidéoprotection vidéosurveillance relevant de la loi de 1995, celles sur la voie publique.

En 2011, leur chiffre est estimé à 897 750 par les commissions départementales de la vidéoprotection. Avant, elle ne devait s’occuper que de celles relevant de la loi de 1978, c’est-à-dire dans des locaux qui ne reçoivent pas de public (bureaux par exemple).

Soit comme le calcule le secrétaire général Yann Padova en introduction :

Un nombre de caméras près de 25 fois supérieur.

Second bébé,  qui découle de la transposition de la directive révisant le paquet Telecom, les entreprises du secteur des télécommunications doivent désormais notifier les violations de données à caractère personnel à la CNIL. Et là, c’est l’inconnue :

À cette heure, il est encore très difficile de pouvoir quantifier le nombre de failles de sécurité qui sont susceptibles d’être déclarées auprès de nos services.

En revanche, la Cnil est en sûre, les onze postes qu’elle a obtenus en plus l’année dernière, soit un total de 159, ne pèsent pas lourds :

Cette augmentation significative des moyens reste encore insuffisante, comme l’ont souligné les récents débats parlementaires lors du vote de la loi de finances pour 2012.

Même si l’organisme a multiplié les contrôles, 385, soit +25% par rapport à 2010, elle est loin de pouvoir en faire autant que l’enjeu le nécessite.

Explosion des plaintes

Dans ce contexte, le nouveau record de plaintes enregistrées, 5 738, est à double tranchant : il est à la fois le signe que les gens sont de plus en plus sensibles au sujet et reconnaissent la Cnil comme l’organisme de référence, mais il la renvoie aussi à ses limites humaines. Et encore, ce chiffre est à relativiser à la hausse, souligne-t-elle :

Ces chiffres sont d’autant plus remarquables qu’ils ne tiennent pas compte des milliers de demandes écrites de particuliers directement traitées par le Service d’orientation et de renseignement du public (SORP) de la CNIL, autrefois comptabilisées comme plaintes. Ils n’intègrent pas, non plus, les multiples questions téléphoniques de particuliers qui ont été prises en charge par le SORP et par le service des plaintes.

La hausse concerne tous les secteurs, et en particulier le “droit à l’oubli” (+ 42%, sans que le rapport ne donne plus de détails que les deux lignes qu’elle y consacre) et la vidéosurveillance, +30%. La surveillance des salariés est aussi une donnée notable : les plaintes à ce sujet concerne la moitié des 12% des plaintes relevant de la gestion des ressources humaines. La Cnil a observé deux tendance à la hausse significatives :

Cybersurveillance (+59%) : il s’agit des dispositifs mis en œuvre par l’employeur pour contrôler l’utilisation des outils informatiques et l’accès à la messagerie électronique.

Sécurité des données de ressources humaines (+27%) : faille de sécurité du réseau informatique ou erreur humaine ayant pour conséquence la divulgation, aux collègues ou plus largement sur internet, de données telles que le numéro de sécurité sociale, les revenus ou les coordonnées des salariés.

Caméras illégales

Les 150 contrôles effectués par la Cnil sur les dispositifs de vidéosurveillance montrent que l’outil évolue encore trop souvent dans l’illégalité :

Une absence d’autorisation ou absence de renouvellement préfectorale (environ 30 % des contrôles)
Une absence de déclaration à la CNIL pour les parties de dispositifs relevant de la loi de 1978 (environ 60 % des cas)
Une mauvaise orientation des caméras (environ 20 % des contrôles). Certains contrôles ont permis de constater des caméras “cachées”, notamment dans les détecteurs de fumées.
Une durée de conservation excessive (environ 10 % des contrôles)
Des mesures de sécurité insuffisantes (environ 20 % des contrôles).

Au passage, la Cnil a relevé que “l’utilisation de caméras factices et les dysfonctionnements pouvant affecter les dispositifs vidéo (absence d’enregistrement, mauvaise qualité de l’image, etc.” Si cela n’a rien d’illégal, ces constats apportent de l’eau au moulin des rapports démontrant l’inefficacité de la vidéosurveillance.

La rengaine du fichier erroné

Chaque année, le rapport de la Cnil est l’occasion de refaire le même triste constat sur les fichiers d’antécédents judiciaires, Judex, Stic, ancien fichier des RG… : ils sont truffées d’erreurs lourdes de conséquences. En effet, “on évalue à 1,3 million le nombre d’emplois concernés par des procédures administratives“, rappelle la Cnil. Fourre-tout record avec 68% de la population française fichées, le STIC mélange mis en cause mais aussi et surtout victimes.

Si une personne s’est vu refuser un emploi en raison de son inscription dans un de ces fichiers, elle peut faire valoir son droit d’accès indirect pour vérifier les données. 2099 personnes y ont eu recours en 2011 :

Comme le résume la Cnil dans la page qu’elle consacre ensuite à des témoignages de gens victimes d’erreurs :

Ça la fiche mal !

Et ça risque de la ficher encore mal un certain temps. Selon un rapport des députés Delphine Batho et Jacques-Alain Benisti, il existe 80 fichiers de police, “dont un certain nombre demeurent encore illégaux au regard des dispositions de loi ‘Informatique et Libertés’.”

Si un amendement de la Loppsi doit “atténuer l’effet pénalisant de la consultation [des fichiers d'antécédents judiciaires] en termes d’emploi”, son effet est pour l’instant virtuel :

L’application effective et immédiate de cette disposition à l’ensemble des enregistrements existants (environ 6,5 millions de personnes mises en cause enregistrées dans le fichier STIC et 2,5 millions dans le fichier JUDEX en 2011) se heurte néanmoins aux difficultés structurelles de mise à jour de ces fichiers qui dépend, dans une large proportion, de la communication aux services de police, par les procureurs de la République, des suites judiciaires intervenues pour chacune des infractions relevées.

À lire aussi Deux millions de contrôles au faciès et Le cadeau empoisonné des fichiers policiers

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L’arrière-chambre de la presse http://owni.fr/2012/05/22/larriere-chambre-de-la-presse/ http://owni.fr/2012/05/22/larriere-chambre-de-la-presse/#comments Tue, 22 May 2012 21:56:03 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=111150 La salle des pas perdus du TGI de paris, vue depuis la fameuse pièce équipée d'un miroir sans tain. CC @manhack / OWNI.fr

La salle des pas perdus du TGI de paris, vue depuis la fameuse pièce équipée d'un miroir sans tain. CC @manhack / OWNI.fr

 

Ce mardi 22 mai 2012, une mystérieuse photographe a été surprise dans la salle des témoins de la “Chambre de la presse” -soit la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris, spécialisée dans les affaires de presse- alors qu’elle photographiait, derrière un miroir sans tain, des personnes venues assister au procès de jeunes militants de la mouvance dite “anarcho-autonome” accusés d’avoir planifié des actes de “terrorisme“.

Le mauvais procès du gardien de la paix

Le mauvais procès du gardien de la paix

Ce mardi 12 mai, le Tribunal de grande instance de Paris juge le commandant de police Philippe Pichon, mis à la retraite ...

La “Chambre de la presse” examinait ce jour-là le cas de Philippe Pichon, ce commandant de police mis à la retraite d’office pour avoir dénoncé les dysfonctionnements du STIC, le plus gros des fichiers policiers (voir Le mauvais procès du gardien de la paix). William Bourdon, son avocat, avait convoqué cinq témoins, dont Delphine Batho, députée socialiste spécialiste des questions de sécurité, et notamment des fichiers policiers. Delphine Batho ayant depuis été nommée ministre déléguée à la Justice, William Bourdon m’avait demandé de la remplacer, au pied levé, en tant que spécialiste des fichiers policiers.

Je fus donc convié, à l’ouverture de l’audience et avec les autres témoins (Frédéric Ocqueteau, directeur de recherche au CNRS-CESDIP et auteur de nombreux ouvrages sur la police et la sécurité privée, Yann Padova, secrétaire général de la CNIL, ainsi qu’un gardien de la paix ayant travaillé avec Philippe Pichon), à aller patienter dans la salle réservée aux témoins, qui se situe à gauche de la “Chambre de la presse“.

En nous faisant entrer dans ce local, l’huissier de justice s’étonna d’y découvrir une dame portant un appareil photo doté d’un gros téléobjectif, et lui demanda comment elle était entrée, et ce qu’elle faisait là. La mystérieuse photographe expliqua qu’un gendarme l’avait faite entrer, par l’autre porte -qui donne sur un couloir du tribunal-, s’excusa, rangea son paquetage, et s’éclipsa.

Sur le moment, nous ne réalisions pas la portée de cette intrusion. Quelques minutes minutes plus tard, un gendarme entra par la porte extérieure -celle qui donne sur le couloir, et par laquelle était sortie la mystérieuse photographe- et nous demanda gentiment s’il pouvait éteindre la lumière. Interloqués, il nous expliqua que les grandes baies vitrées de cette salle des témoins étaient recouvertes par un miroir sans tain, et qu’il serait donc préférable d’éteindre la lumière, afin de ne pas révéler l’existence de ce miroir sans tain…

Interrogé sur cette façon de pouvoir surveiller, sans le dire, la salle des pas perdus, le gendarme nous expliqua que cela permettait, lors de certains procès, de se renseigner sur les “collectifs de soutien“.

Or, en face de ces miroirs sans tain, et dans cette salle des pas perdus, se pressaient ce jour-là des dizaines de gens venus assister à la 5e journée du procès antiterroriste de la mouvance dite “anarcho-autonome“. J’avais d’ailleurs moi-même discuté avec l’un d’entre eux, quelques minutes auparavant, et ai donc potentiellement été pris en photographie par la dame de la salle des témoins.

Au bout de deux heures passées dans une pénombre toute relative (du fait de la lumière traversant les immenses baies vitrées recouvertes des miroirs sans tain), l’huissier de justice vint nous chercher pour nous ramener au tribunal où Anne-Marie Sauteraud, qui présidait la “17e chambre“, nous expliqua que nous ne témoignerions finalement pas, le procès ayant été ajourné après que William Bourdon eut posé deux questions prioritaires de constitutionnalité (voir Le mauvais procès du gardien de la paix).

Le cadeau empoisonné des fichiers policiers

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Truffé d'erreurs, le plus gros des fichiers policiers va être fusionné avec le plus gros des fichiers de la gendarmerie au ...

Avant de nous laisser repartir, la présidente du tribunal nous expliqua avoir été alertée par l’huissier de la présence de cette “femme avec un appareil photo” dans la salle des témoins, du fait qu’il avait “dû lui demander de sortir“, et nous demanda de raconter ce que nous avions vu.

Nous avons donc expliqué avoir vu l’huissier, déconcerté, demander à cette mystérieuse photographe ce qu’elle faisait là, et l’inviter à quitter la salle des témoins, puis un gendarme venir nous demander d’éteindre la lumière, parce qu’elle révélait la présence du miroir sans tain, qui leur servait à surveiller les “collectifs de soutien“.

Surprise, la présidente du tribunal laissa entendre qu’elle n’en avait jamais été informée, et que cela ne serait pas, sinon conforme à la loi, tout du moins aux usages. Émoi dans la “Chambre de la presse“, truffée de journalistes. L’AFP et Europe 1 viennent m’interviewer, je leur montre la photographie prise depuis la salle des témoins, derrière le miroir sans tain.

Interrogés à ce sujet, les chefs de juridiction du TGI de Paris ont depuis indiqué à l’AFP “qu’ils ignoraient totalement la présence de cette femme munie d’un appareil photo dans la salle des témoins” et qu’”ils souhaitent que toute la lumière soit faite sur cette affaire“.

Reste donc à savoir pour qui travaille la mystérieuse photographe, et depuis quand la salle des témoins de la “Chambre de la presse” servirait ainsi, et aussi, à surveiller, et photographier, les “collectifs de soutien” et autres citoyens venus assister à tel ou tel procès…

La “mystérieuse photographe” ne s’est pas présentée comme journaliste, et on imagine mal un gendarme autoriser une journaliste à pénétrer dans une salle réservée aux témoins de la “Chambre de la presse” afin de pouvoir photographier, au téléobjectif et sans être repéré, sinon clandestinement, ceux qui viennent assister à un procès.

En attendant, le procès de Philippe Pichon, censé faire la lumière sur les dysfonctionnements des fichiers policiers, aura aussi permis de révéler que la salle des témoins de la “Chambre de la presse” sert donc également (mais depuis quand ?) de “planque” aux services de police et/ou de renseignement.

Mise à jour : d’après Europe 1, qui cite un haut fonctionnaire de la préfecture, qui s’est dit consterné par cette maladresse, la mystérieuse photographe serait en fait une fonctionnaire de police des renseignements parisiens.

Citant une source policière, l’AFP confirme précise que cette policière, appartenant à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, était entrée dans «cette salle vide sans savoir qu’elle n’en n’avait pas le droit» :

«Les policiers du renseignement effectuent régulièrement des missions de surveillance de la mouvance radicale autonome. Mais là, c’est clairement une erreur de positionnement, une erreur regrettable», a expliqué cette source policière.

Les chefs de juridiction du TGI de Paris ont indiqué à l’AFP «qu’ils ignoraient totalement la présence de cette femme munie d’un appareil photo dans la salle des témoins» et qu’«ils souhaitent que toute la lumière soit faite sur cette affaire».

Par ailleurs, ce n’est pas la salle des pas perdus (qui se trouve dans une autre aile du Palais où siège notamment la première chambre civile du tribunal) que l’on voit sur la photographie, mais le “plateau des correctionnelles“, comme le précise VT en commentaire.

Sur Twitter, Michel Déléan, journaliste à Médiapart, précise qu’”il n’y a pas de glace sans tain mais une vitre en verre fumé donnant sur le plateau correctionnel, à la XVII° chambre” du TGI de Paris.

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Le mauvais procès du gardien de la paix http://owni.fr/2012/05/22/le-mauvais-proces-du-gardien-de-la-paix/ http://owni.fr/2012/05/22/le-mauvais-proces-du-gardien-de-la-paix/#comments Tue, 22 May 2012 10:28:47 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=110827

68% de la population française figure dans le Système de traitement des infractions constatées (STIC), le plus gros des fichiers policiers français : 44,5 millions de personnes en tant que “victimes“, 6,5 millions en tant que “mis en cause” ou “auteurs” de crimes ou délits, et donc “suspects“, quand bien même ils aient, depuis, été innocentés (voir “Le cadeau empoisonné des fichiers policiers“).

Mais ni Nicolas Sarkozy, ni Robert Pandreau, Charles Pasqua, Patrick Balkany, Jean-Charles Marchiani ni Roland Dumas n’y sont fichés… alors même qu’ils ont tous pourtant été, soit “mis en cause” -voire même inculpés-, soit “victimes“, et qu’ils devraient donc logiquement être fichées à ce titre, et comme tout le monde, dans le STIC.

Cette étonnante découverte a été faite par Philippe Pichon, ce commandant de police de 42 ans mis à la retraite d’office pour avoir osé dénoncer les dysfonctionnements et problèmes posés par le STIC (voir “Un flic pourfend le système“).

Un flic pourfend le système

Un flic pourfend le système

Le système STIC, le plus gros des fichiers policiers, fiche la moitié de la population française, sans cadre légal. Le ...

Philippe Pichon avait plusieurs fois alerté sa hiérarchie, en vain. Il avait également “évoqué la possibilité de s’en ouvrir à la presse ou dans un cadre universitaire“. Faute de réponse, il se décida enfin à répondre favorablement à la requête d’un journaliste de Bakchich.info, Nicolas Beau, qui lui avait demandé de lui transmettre les fiches STIC de Jamel Debbouze et Johnny Halliday. Le scandale autour du fichier EDVIGE venait d’éclater, et l’opinion publique commençait à s’inquiéter des problèmes posés par les fichiers policiers.

Après avoir pris soin de contacter les agents de Jamel et Johnny, “qui n’avaient pas manifesté d’opposition” à la publication de leurs fiches, Bakchich.info publia leurs fiches STIC afin de dénoncer la présence de nombreuses données qui n’auraient jamais du, légalement, y figurer. L’article, “Tous fichés, même les potes de Nicolas Sarkozy“, s’étonnait par ailleurs de l’absence de fiche STIC pour Charles Pasqua :

La République irréprochable de Sarko est en marche. Tous égaux, tous fichés ! A une réserve près. Au STIC, les politiques semblent mieux traités. La plupart de ceux qui ont été égratignés par la justice n’apparaissent guère dans le fichier. Ainsi Charles Pasqua, entendu de nombreuses fois lors des dossiers de l’Angolagate, des casinos et autres, n’apparaît pas dans le STIC.

La liste des autres personnalités politiques étrangement absentes du fichier STIC figure dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Philippe Pichon, qu’Owni a pu consulter.

Un fichier unanimement critiqué

Le cadeau empoisonné des fichiers policiers

Le cadeau empoisonné des fichiers policiers

Truffé d'erreurs, le plus gros des fichiers policiers va être fusionné avec le plus gros des fichiers de la gendarmerie au ...

Ce mardi 22 mai 2012, la 17ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris ne discutera pas tant de l’illégalité du STIC, mais de la mise en examen de Philippe Pichon, pour “détournement d’informations à caractère personnel“, “violation du secret professionnel” et “accès frauduleux à un système automatisé de données“.

Un an et demi plus tard, et suite à l’article de Bakchich.info, le Service central de documentation criminelle (SCDC), à même de “tracer” l’accès au STIC, identifia 610 fonctionnaires ayant interrogé le STIC au sujet de Jamel, 543 pour Johnny et, respectivement, 24 et 16 fonctionnaires ayant imprimé leurs fichiers.

Mais seuls deux policiers avaient imprimé les deux fiches concernées : Philippe Pichon, et une gardienne de la paix, qui expliqua avoir oeuvré par “ennui“, qu’elle comblait en lisant la presse à scandale, ce pour quoi elle avait consulté les fiches STIC de 80 personnalités du show biz, et imprimé 24 d’entre-elles.

Au magistrat instructeur qui l’interrogeait à ce sujet, Philippe Pichon évoqua un “geste citoyen” destiné à rendre public les nombreux dysfonctionnements du STIC. Pour William Bourdon, son avocat, il s’agirait même d’un “cri d’alarme” entraîné par le “refus de son supérieur hiérarchique de veiller à une stricte et légaliste utilisation du STIC“. Plutôt que de chercher à corriger les problèmes du STIC, sa hiérarchie avait en effet décidé d’infliger à Pichon une “mutation sanction“.

Or, et pour justifier le refus de confronter Philippe Pichon à son ancien supérieur hiérarchique (qui, le décrivit comme son “ennemi personnel“), le juge d’instruction expliqua qu’elle ne serait pas utile à la manifestation de la vérité dans la mesure où “l’un et l’autre conviennent de dysfonctionnement concernant l’utilisation du STIC“…

Dans un autre article, intitulé “Le fichier STIC inquiète les patrons de la police“, Nicolas Beau et Xavier Monnier révélaient d’ailleurs le contenu de deux circulaires émanant de la Direction générale de la Police nationale (DGPN) dénonçant les “nombreuses erreurs contenus dans le STIC“.

Dans son ordonnance de renvoi, le juge d’instruction reconnait même que ce fichier “a été unanimement critiqué et l’est encore notamment par la CNIL qui avait relevé de singulières défaillances“…

Même le tribunal administratif de Melun, qui a pourtant confirmé sa mise à la retraite d’office, reconnaît le bien-fondé de son combat militant :

Il est constant que le fichier STIC comporte un nombre d’erreurs d’autant moins acceptables qu’elles sont susceptibles d’entraîner de graves conséquences pour les personnes concernées, au risque d’attenter aux libertés fondamentales, et que l’administration s’est affranchie depuis de nombreuses années des règles de gestion de ce fichier, notamment celles relatives à l’effacement des données, ceci sans qu’aucune mesure ne soit prise par les autorités concernées.

Le tribunal tenait également à souligner “le caractère illicite des actes auxquels M. PICHON a été confronté, à Coulommiers et à Meaux (…) et les graves déficiences dans la manière de servir de ses supérieurs hiérarchiques directs“. LesInrocks avaient ainsi rapporté comment, en février 2006, son supérieur hiérarchique, Jean-François M., avait proposé à Guy Drut, alors maire de Coulommiers, de lui communiquer “toute information, tout document ou tout élément procédural (qui) pourrait m’être utile en anticipation de tout contentieux avec les élus du canton de Coulommiers, le personnel de la mairie de Coulommiers ou tout administré dissident” (sic).

De l’exploitation des FacDet du journaliste

Dans un article intitulé “Le cas Pichon suivi en direct de l’Elysée par Guéant publié dans Marianne, le journaliste Frédéric Ploquin rappellait que la police avait, tout comme dans l’affaire des FacDet (factures détaillées, ou “fadettes“) du journaliste du Monde, oeuvré en marge de la légalité :

A l’époque, l’artillerie lourde avait déjà été déclenchée pour neutraliser le “traître”, notamment en recherchant les contacts téléphoniques entre le fonctionnaire et des journalistes. Et ce, dans le cadre d’une enquête préliminaire, sans l’autorisation expresse du procureur de la République.

Marianne a publié le fac similé d’un courrier signé par Claude Guéant, où celui qui était alors secrétaire général de l’Elysée écrivait qu’”il est opportunément possible de sanctionner le commandant de police Philippe Pichon“, ce que Frédéric Ploquin, journaliste d’investigation spécialiste de la police, interprète comme “une manière de couvrir, depuis le sommet de l’Etat, une enquête administrative diligentée parallèlement à une enquête judiciaire“.

Un précédent qui éclaire d’un jour nouveau les enquêtes “administratives” qui vont suivre, et notamment celles concernant les “fadettes” des journalistes.

A l’époque, Philippe Pichon n’avait pas de téléphone portable. Or, l’enquête a révélé que Nicolas Beau et lui s’était bien parlé au téléphone, mais sur le portable de sa belle-mère. Pour parvenir à cette identification, la police a donc nécessairement exploiter les fadettes du journaliste.

Empêché de travailler depuis 2009, Philippe Pichon avait porté plainte en 2011 pour “harcèlement moral et discrimination” en raison de ses opinions politiques, comme l’avait révélé Libération :

Formellement déposée contre X, l’action vise en réalité l’ancien ministre de l’Intérieur qu’est Nicolas Sarkozy et que Pichon tient responsable de l’acharnement procédural ayant abouti à un «interdit de paraître», formule administrative signifiant l’interdiction d’exercer.

La plainte a depuis été confiée à la juge d’instruction Sylvia Zimmerman, qui traite également la plainte du Monde pour violation du secret des sources.

Claude Guéant a, de son côté, le 6 mai 2012 au soir, déposé plainte contre Pichon au nom du ministère de l’intérieur pour “préjudice moral” en lui réclamant… 4 000 euros de dommages-intérêts. Le 6 mai au matin, le Journal officiel publiait le décret, signé Claude Guéant, permettant au STIC d’être fusionné avec JUDEX, son équivalent dans la gendarmerie (voir “Le cadeau empoisonné des fichiers policiers“).

Reste à savoir si Nicolas Sarkozy, Robert Pandreau, Charles Pasqua, Patrick Balkany, Jean-Charles Marchiani ou encore Roland Dumas y seront eux aussi cette fois fichés comme le sont tous les justiciables entendus comme “mis en cause” ou “victimes“… #oupas.

Mise à jour, 16h55 : le procès de Philippe Pichon a été ajourné, son avocat, William Bourdon, ayant déposé deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). La première porte sur l’article 226-13 du Code pénal, qui punit d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende la “révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire“, dans la mesure où “aucune norme n’établit le caractère secret des informations contenues dans les fichiers de police judiciaire :

L’article 226-13 porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et plus précisément au principe de légalité des délits et des peines ?

La seconde QPC porte quant à elle sur la légalité du STIC, qui constituerait, selon William Bourdon, une “présomption absolue de culpabilité et caractérise un obstacle majeur aux droits de la défense contrevenant ainsi à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen d’août 1789 ainsi qu’à l’article préliminaire du Code de procédure pénale“, dans la mesure où, également, il emporterait des “risques d’atteintes graves à la liberté individuelle, à l’exemple des mesures de fichage décidées à l’occasion d’une enquête de police administrative par des personnels de plus en plus nombreux à être habilités et échappant au contrôle effectif de l’autorité judiciaire“.

L’article 21 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 (qui a légalisé le STIC, NDLR) porte-t-il atteinte aux droits essentiels de la défense et notamment aux principes généraux du contradictoire et de la loyauté de la preuve, droits et libertés garantis par la Constitution ?


Photo CC by-nc-sa Banksy kissing cops by Jan Slangen

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http://owni.fr/2012/05/22/le-mauvais-proces-du-gardien-de-la-paix/feed/ 19
Le cadeau empoisonné des fichiers policiers http://owni.fr/2012/05/18/le-gros-bug-des-fichiers-policiers/ http://owni.fr/2012/05/18/le-gros-bug-des-fichiers-policiers/#comments Fri, 18 May 2012 14:37:42 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=109831 antécédents judiciaires", qui sera lui-même connecté au plus gros des fichiers de la Justice. Une énorme usine à gaz censée corriger les erreurs... mais qui n'est pas sans poser problème.]]> Le 6 mai 2012 ne restera pas seulement dans l’histoire comme le jour où François Hollande fut élu président de la république. Ce même jour, le Journal officiel publiait un décret, co-signé par Claude Guéant et Michel Mercier, respectivement ex-ministres de l’intérieur, de la justice et des libertés, afin de fusionner les deux principaux fichiers policiers, et de les interconnecter avec le plus gros des fichiers judiciaires.

Le Système de traitement des infractions constatées (STIC), et son équivalent dans la gendarmerie, le Système judiciaire de documentation et d’exploitation de la gendarmerie nationale (JUDEX), seront en effet fusionnés en un seul et même Traitement d’antécédents judiciaires (TAJ), lui-même relié à la Chaine Applicative Supportant le Système d’Information Oriente Procédure pénale Et Enfants (Cassiopée), à l’occasion du déploiement du tout “Nouveau système d’information dédié à l’investigation” (NS2I).

Qualifié de “véritable ‘révolution’ dans les méthodes de travail et surtout d’analyse“, le NS2I combine fichiers de police et de gendarmerie, et remplace le logiciel Ardoise (pour Application de recueil de la documentation opérationnelle et d’informations statistiques sur les enquêtes) qui, non déclaré à la CNIL, avait fait polémique avant d’être suspendu en 2008 : il permettait en effet d’entrer des données “sensibles” concernant l’orientation sexuelle, le handicap, l’appartenance syndicale, politique ou sectaire des victimes, témoins et accusés.

Cette énorme usine à gaz est aussi un véritable cadeau empoisonné pour le nouveau gouvernement, et plus particulièrement pour Delphine Batho, qui avait consacré deux rapports parlementaires aux problèmes posés par les fichiers policiers, et qui vient d’être nommée ministre déléguée à la Justice.

Cliquez ici pour visualiser la version non simplifiée du schéma du “nouveau système d’information dédié à l’investigation” (NS2I) du ministère de l’Intérieur.

Schéma du nouveau système d'information dédié à l'investigation (NS2I)

Schéma du “nouveau système d’information dédié à l’investigation” (NS2I), tel qu’il avait été présenté aux députés auteurs du rapport sur les fichiers policiers, lorsque le TAJ s’appelait encore “Traitement des procédures judiciaires” (TPJ).

Masquer le schéma du NS2I

 

Le STIC est le plus gros de tous les fichiers policiers actuellement en activité : 44,5 millions de personnes y sont fichées, soit 68% de la population française, dont 10% en tant que “mis en cause” -et donc “suspects“. Y sont enregistrés les noms, prénoms, surnoms, alias, date et lieu de naissance, situation familiale, filiation, nationalité, adresse(s), profession(s), signalement et photographie de “6,5 millions de mis en cause“, mais également de 38 millions de victimes (mêmes données, mais sans photographies, sauf pour les personnes disparues et les corps non identifiés).

10% de la population française fichée “suspects”

Casier judiciaire bis” créé en 1995 pour “fédérer au niveau national l’ensemble des fichiers de police et de documentation criminelle”, les données y sont stockées pendant 20 voire 40 ans pour les suspects (5 ans pour les mineurs), au maximum 15 ans pour les victimes. La CNIL estime que “près de 100 000 personnes” sont habilitées à y accéder, et que le STIC ferait l’objet de 20 millions de consultations annuelles de la part de fonctionnaires du ministère de l’Intérieur.

Or, le STIC est truffé d’erreurs. En vertu du droit d’accès indirect, toute personne peut demander à la CNIL d’aller vérifier si elle est fichée au STIC et, auquel cas, “demander à ce que les informations incomplètes, obsolètes ou non conformes soient complétées, mises à jour ou supprimées“.

Tous les ans, depuis 2001, la CNIL publie ainsi dans son rapport annuel d’activité le nombre de fiches “rigoureusement exactes” qu’elle a vérifié ou qui, a contrario, ont du être modifiées, voire supprimées. En 2001, le taux d’erreurs était de 25%. En 2010, il était de 79%, après un taux record de 83% d’erreurs en 2008 :

Dans leur rapport d’information sur les fichiers de police de mars 2009, les députés Delphine Batho (PS) et Jacques-Alain Bénisti (UMP) pointaient du doigt une chaîne d’alimentation “complètement obsolète” et “à la source de nombreuses erreurs“, de saisies notamment (avec des victimes fichées comme suspectes, et vice-versa), reposant sur “un système complètement dépassé qui n’utilise même pas de souris“, une “antiquité” utilisée par des agents dont la formation juridique “est très largement insuffisante“.

Au terme d’un contrôle approfondi du STIC, la CNIL a de son côté estimé que 35% des erreurs émanaient du ministère de l’Intérieur, et 65% du ministère de la Justice. Car si le STIC est renseigné par les policiers, sa mise à jour dépend des procureurs qui, faute de moyens, de temps, de volonté ou de culture informatique et libertés, ne transmettaient pas ou très peu les décisions de justice aux policiers en charge du STIC.

La CNIL estime ainsi qu’entre 2005 et 2008, 1 020 883 classements sans suite, 54 711 relaxes, 873 acquittements et 7761 non-lieux n’ont pas été rapportés dans le STIC. Soit, en 3 ans, 1 084 228 personnes blanchies par la justice, mais toujours fichées comme “mises en causes“, et donc “suspectes“, dans le STIC.

Tout en constatant “des progrès sensibles dans la mise à jour du STIC“, le second rapport d’information de Delphine Batho et Jacques-Alain Bénisti, rendu public en décembre 2011, n’en déplorait pas moins le fait que “les recommandations émises par vos rapporteurs sont, à de rares exceptions près, restées lettre morte“. Et le taux d’erreur est tel qu’il pose problème à certains fonctionnaires de police. L’un d’entre eux a d’ailleurs indiqué aux députés que “le STIC est tellement peu fiable qu’on ne peut rien en faire“.

21 ans dans l’illégalité

Si le STIC a fonctionné en toute illégalité de 1995 (date de sa création) à 2001 (lorsqu’il fut enfin légalisé par Lionel Jospin, JUDEX, créé en 1985, ne fut quant à lui légalisé qu’en 2006, après que les parlementaires, discutant de l’interconnexion du STIC et de JUDEX, eussent découvert que ce dernier n’était “fondé sur aucun texte de droit“…

JUDEX, qui répertoriait 9,8 millions de fiches “affaires” et 2,15 millions de personnes “mises en cause” en 2009, serait un peu mieux tenu que le STIC. En 2010, la CNIL n’y a en effet recensé “que” 48% d’erreurs : 52% des fiches étaient “exactes“, 25% ont été supprimées, et 23% modifiées pour tenir compte, notamment, des suites judiciaires réservées aux infractions enregistrées.

Dans sa délibération sur le Traitement des antécédents judiciaires (TAJ), la CNIL estimait que “des mesures concrètes devront être prises pour que les données reprises soient exactes et mises à jour“. Batho et Bénisti avaient eux aussi plaidé pour que le TAJ n’hérite pas du stock d’erreurs accumulées. Las : “aucun nettoyage complet de la base de données du STIC“, déplorent les députés.

A contrario, ils relèvent cela dit que la gendarmerie nationale a de son côté “entrepris un processus de correction” ayant mobilisé près de dix équivalents temps plein pendant douze mois environ, et “procédé à l’effacement de données relatives aux origines ethniques et raciales, à l’orientation sexuelle, aux opinions politiques, philosophiques, aux pratiques religieuses, aux appartenances syndicales, aux modes de vie et états de santé” qui ne peuvent figurer dans un fichier policier que “lorsqu’elles sont des éléments constitutifs de l’infraction” :

Au total, 120 000 fiches ont été corrigées ou supprimées. Ce nettoyage de la base de données a permis de mettre JUDEX en conformité avec la loi.

Il convient toutefois de noter que le travail effectué par la gendarmerie, si important soit-il, ne concerne qu’une faible part des données reprises par TAJ. Aussi, de façon générale, il est fort probable que les critiques adressées au STIC soient valables pour TAJ. Il appartiendra au service gestionnaire de ce fichier de procéder à l’élimination des potentielles erreurs.

Supernova Remnant Cassiopeia A (NASA, Chandra, 1/6/09), CC by-nc-nd NASA's Marshall Space Flight Center

Des mois d’horreurs

Afin de nettoyer le STIC de toutes ses erreurs, le ministère de l’Intérieur a donc décidé d’interconnecter le nouveau fichier TAJ avec Cassiopée (pour “Chaine Applicative Supportant le Système d’Information Oriente Procédure pénale Et Enfants“), le fichier du ministère de la Justice utilisé pour enregistrer les informations relatives aux plaintes et dénonciations reçues par les magistrats.

Créé pour leur offrir une vision complète de chaque dossier judiciaire, de chaque profil de mis en cause, depuis la commission du fait jusqu’à la sortie de prison du condamné, Cassiopée enregistre un nombre impressionnant de données personnelles. Elles concernent les personnes mises en examen, prévenus, accusés, ainsi que les témoins, victimes et parties civiles : nom (de naissance et d’usage), nationalité, numéro de la pièce d’identité, nom de naissance et prénoms du père et de la mère, nombre d’enfants, de frères et sœurs, niveau d’étude et de formation, profession, langue, dialecte parlé, données bancaires…
Cliquez pour dérouler les données pouvant être enregistrées dans Cassiopée.

-identité : civilité, nom de naissance, nom d’usage, prénoms, alias, sexe, dates de naissance et de décès, commune de naissance, code et nom du pays de naissance, nationalité, numéro et date de délivrance de la pièce d’identité, autorité de délivrance, ville et pays de délivrance à l’étranger ;

-filiation : nom de naissance et prénoms du père et de la mère, et du titulaire de l’autorité parentale concernant les mineurs ;

-situation familiale : situation de famille, nombre d’enfants, nombre de frères et sœurs, rang dans la fratrie ;

-niveau d’étude et de formation, diplômes, distinctions ;

-adresse, adresse déclarée (selon la norme postale française), téléphone au domicile ;

-vie professionnelle : profession, code de la catégorie socioprofessionnelle, code de la nature d’activité, situation par rapport à l’emploi, raison sociale de l’employeur, téléphone au travail, fonction élective, immunité, pour les militaires de carrière situation militaire ;

-langue, dialecte parlé ;

-données bancaires, sauf concernant les témoins : code banque, code guichet, nom de l’agence bancaire, code postal de l’agence du compte, libellé du titulaire du compte, numéro de compte, date d’émission du titre de paiement, libellé du titulaire inscrit sur la carte bancaire ;

Masquer la liste des données

Les informations y sont stockées pendant 10 ans à compter de leur dernière mise à jour enregistrée, voire 20 et même dans certains cas 30 ans.

L’objectif recherché par cette interconnexion du TAJ et de Cassiopée était de pouvoir mettre à jour, de façon automatisée, les suites judiciaires données aux affaires traitées par les gendarmes et les policiers. Et ainsi en finir avec les personnes fichées comme “mises en cause“, alors que la justice avait décidée qu’elles ne pouvaient plus l’être.

L’idée est bonne, la réalisation promet d’être gratinée. Evoquant un rapport parlementaire du député (UMP) Etienne Blanc, Le Figaro qualifiait en effet Cassiopée, en mars 2011, de “grand bug informatique (qui) freine la justice” mais que “le garde des Sceaux, Michel Mercier, aimerait sauver des eaux“.

Alors qu’il avait initialement été conçu pour “fluidifier la chaîne pénale“, Etienne Blanc, lui, pointe “l’insuffisance de prise en compte des besoins opérationnels des magistrats et des greffiers” qui pour “80% des juridictions, ont indiqué ne pas avoir été associées à la conception de l’application“. Résultat : Cassiopée “plombe souvent l’activité des services” et accroît considérablement le stock des procédures à enregistrer et de jugements à dactylographier.

De plus, le “style approximatif et parfois juridiquement inexact, avec des références aux textes de loi souvent insuffisantes, voire erronées” fait peser le risque de “compromettre la validité des actes“. Pire : “il n’est plus possible, avec Cassiopée, de visualiser l’ensemble des affaires concernant un individu par la simple saisine de son nom, ni d’obtenir une information claire sur l’état d’exécution des jugements“.

Dans sa note sur le bug Cassiopée” (.pdf), l’Union syndicale des magistrats (USM) déplorait récemment l’”obstination de la Chancellerie à déployer à marche forcée cette application, générant, peu à peu à travers tout le territoire des retards importants dans des juridictions déjà au bord de l’asphyxie” :

En début d’année 2011, la Chancellerie reconnaissait elle-même que dans toutes les juridictions implantées, 4 mois de retard s’étaient accumulés en moyenne, qu’il fallait 15 mois pour résorber. Comment s’étonner dès lors du nombre de jugements en attente d’exécution, estimé à 100 000 en début d’année 2011 ?

Ancienne présidente du Syndicat de la magistrature (SM), Clarisse Taron, qui est retournée dans son tribunal en janvier dernier et que nous avons contactée, reconnaît volontiers avoir du mal à se servir de Cassiopée. Elle fait pourtant partie, depuis deux ans, de l’Observatoire du déploiement de Cassiopée. “Même en consultation, c’est difficile” : elle a demandé une formation, on lui a répondu qu’il n’y en avait pas, alors elle se débrouille comme elle peut, toute seule.

Avec Cassiopée, elle estime qu’il faut “au minimum 20% de plus de temps qu’avant” pour saisir un dossier. Evoquant des débuts “catastrophiques“, un “projet ambitieux et énorme, mais sous-dimensionné en temps et en budget“, elle déplore également le nombre d’erreurs dues à la complexité du système informatique, et de son mode de saisie, les problèmes de formation, le fait qu’il ne soit pas du tout adapté aux dossiers complexes, et la lourdeur de cette usine à gaz :

Ça a été un générateur de réelles souffrances, une source de tension et de stress extrême. Tout le monde dit qu’il faut un an pour absorber Cassiopée, au minimum, avec de gros problèmes de formation des fonctionnaires. Ce qu’on réclame, c’est que la hiérarchie accepte de prendre du retard.

En attendant l’interconnexion de Cassiopée et du casier judiciaire (“c’est pas fait, ça va être énorme aussi“), elle pense que la fusion du STIC et de JUDEX au sein du TAJ, et sa mise en relation avec Cassiopée, pavée de bonnes intentions, sera un véritable chemin de croix (“on en a encore pour des années“) :

On est parti pour des mois et des mois d’horreurs, ça va être terrible et ce sera très compliqué, mais si ça permet de laver le STIC… Cassiopée génère forcément des erreurs, mais peut-être que dans 10 ans ça ira mieux, forcément; il fallait le faire, il fallait bien en passer par là.

Supernova Remnant Cassiopeia A (NASA, Chandra, Hubble, 02/23/11), CC by-nc NASA's Marshall Space Flight Center

Supernova Remnant Cassiopeia A (NASA, Chandra, Hubble, 02/23/11), CC by-nc NASA's Marshall Space Flight Center

Un “trou noir de la justice française”

Au-delà de l’aspect “usine à gaz” de cette interconnexion, et dans un autre registre, l’USM tenait également dans sa note sur le “bug Cassiopée” à “saluer la capacité du Ministère de la Justice à ne pas respecter les lois“, le système ayant été déployé 16 mois avant qu’il ne soit déclaré à la CNIL… ce qui, cela dit, fait pâle figure face aux 6 ans d’illégalité du STIC, et aux 21 ans de JUDEX.

Qualifiant Cassiopée de trou noir de la justice française, Bakchich rappelait de son côté que le gouvernement avait publié au Journal officiel le décret portant création de Cassiopée, en omettant soigneusement de publier l’avis de la CNIL qui, entre autres choses, déplorait notamment “l’absence de sécurisation” de l’accès aux données confidentielles… Interrogé par Bakchich, Olivier Joullin, du Syndicat de la magistrature, déplorait alors le fait que “la Cnil, comme nous, imaginait que Cassiopée nettoierait le Stic. En réalité, ça ne nettoiera rien du tout, ça va seulement prolonger le bazar du Stic” :

C’est un fichier, comme le Stic, qui pourra servir à fragiliser ou décrédibiliser quelqu’un, explique Olivier Joullin. Il peut même servir à une déstabilisation politique. Imaginons une hypothèse : le ministre, par exemple, veut avoir des informations sur une personne, il n’a qu’à interroger un procureur qui peut lui faire remonter tout cela…

Le syndicat de la magistrature a ainsi découvert, il y a quelques mois, qu’un président de tribunal avait obtenu le statut d’”administrateur” de Cassiopée, et qu’il avait donc le droit de suivre en temps réel l’évolution des dossiers, et notamment savoir qui les juges d’instruction allaient convoquer, quand, alors même que ces informations sont couvertes par le secret de l’instruction…

Cette intrusion informatique d’un président de tribunal dans les dossiers des juges d’instruction, et le risque de voir la Chancellerie s’immiscer dans les dossiers sensibles, lui a fait “très très peur“. Elle attend donc avec impatience la circulaire sur la confidentialité de Cassiopée, qui devrait prochainement être publiée.

La CNIL, de son côté, invitait le ministère à “faire réaliser, dès sa mise en œuvre, un audit de sécurité du traitement TAJ par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI)“.

Il serait, de même, intéressant que Cassiopée fasse lui aussi l’objet d’un tel audit de sécurité dans la mesure où, comme le regrettait la CNIL, “l’étude de sécurité n’a pas été finalisée avant qu’elle ne se prononce sur ce projet de décret“.

Le problème se pose d’autant plus que Cassiopée devrait non seulement être “mis en relation” avec le TAJ, mais également avec le casier judiciaire national (CNJ), ainsi qu’avec le fichier de gestion automatisée de l’”application des peines, probation et insertion” (APPI), qui a fonctionné, en toute illégalité, pendant 6 ans, avant d’être finalement régularisé en octobre 2011.

A l’origine, Cassiopée ne devait être accessible qu’à 6000 utilisateurs environ. Le 7 mai, un nouveau décret autorisait les délégués du procureur et le représentant national auprès d’Eurojust, mais également les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), les associations conventionnées d’aide aux victimes ainsi que les agents d’autres administrations de l’Etat ou des collectivités territoriales, à accéder au fichier, ce qui faisait tousser la CNIL :

A titre liminaire, la Commission attire l’attention du ministère sur les dangers d’une extension excessive des catégories de personnes ayant directement accès aux données à caractère personnel contenues dans Cassiopée, et invite le ministère à faire preuve de la plus grande vigilance à cet égard.

Déplorant l’”absence d’un outil de détection des usages anormaux“, la CNIL recommandait par ailleurs, et “au regard de la sensibilité des données enregistrées et du grand nombre de personnes habilitées à y accéder” qu’elles soient chiffrées. Ce même 7 mai 2012, un autre décret prévoyant la “mise en relation entre le casier judiciaire national et Cassiopée” intègre certes des “dispositions destinées à assurer la traçabilité de la plupart des actions réalisées sur Cassiopée” mais sans, pour autant, préciser que les données devraient être chiffrées.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, la mission et le champ de compétence du nouveau ministre déléguée à la Justice, n’a pas encore été défini. Il est donc encore trop tôt pour savoir si, comme la CNIL l’avait préconisé, et comme elle l’avait elle aussi réclamé l’an passé, Delphine Batho pourra conditionner la fusion du STIC et de JUDEX au fait de les expurger, au préalable, de leurs erreurs accumulées, ou si seule leur interconnexion avec Cassiopée pourrait y contribuer.

Il sera de même intéressant de voir si, contrairement aux pratiques en vigueur sous Nicolas Sarkozy, la CNIL -et l’ANSSI- seront saisies préalablement de la création ou du déploiement de tels fichiers portant sur la quasi-totalité de la population. Ou s’ils seront encore et toujours mis devant le fait accompli, une fois les fichiers créés.


Images : Supernova Remnant Cassiopeia A (NASA, Chandra, Hubble, 02/23/11), CC by-nc NASA’s Marshall Space Flight Center, Supernova Remnant Cassiopeia A (NASA, Chandra, 1/6/09), CC by-nc-nd NASA’s Marshall Space Flight Center, Cassiopeia A, CC by-nc-sa Lights In The Dark, Gift from the sky, CC by, procsilas.


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http://owni.fr/2012/05/18/le-gros-bug-des-fichiers-policiers/feed/ 23 Un flic pourfend le système http://owni.fr/2011/10/18/un-flic-pourfend-le-systeme/ http://owni.fr/2011/10/18/un-flic-pourfend-le-systeme/#comments Tue, 18 Oct 2011 11:27:45 +0000 Jean-Marc Manach et Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=83128

Ce jeudi 20 octobre, le Tribunal administratif se penchera sur le cas du commandant Philippe Pichon, exclu de la police nationale le 20 mars 2009 par arrêté de la ministre de l’époque Michèle Alliot-Marie, pour avoir évoqué plusieurs pratiques illicites en vigueur dans la police. Et en particulier pour avoir osé dénoncer les dysfonctionnements du Système de traitement des infractions constatées (STIC).

Pichon, qui entend bien retrouver tous ses droits, conteste le bienfondé de l’arrêté ministériel. Et la juridiction administrative lui a, dans un premier temps, accordé le bénéfice du doute en ordonnant sa réintégration provisoire ; dans l’attente de cette audience de jeudi, consacrée au fond du dossier.

Outre un essai décapant publié en 2007 chez Flammarion, “Journal d’un flic”, son administration lui reproche surtout d’avoir mené campagne contre ce STIC. Véritable “casier judiciaire bis” truffé d’erreurs et de données obsolètes, et dans lequel un certain nombre de policiers viennent piocher des infos en dehors de tout cadre légal. Le STIC fiche pas moins de 5 millions de suspects et 28 millions de victimes, soit plus de la moitié de la population française.

Après avoir plusieurs fois alerté sa hiérarchie, en vain, sur ces dysfonctionnements, ayant même “évoqué la possibilité de s’en ouvrir à la presse ou dans un cadre universitaire“, Philippe Pichon aurait confié les fiches STIC de Jamel Debbouze et Johnny Halliday à un journaliste qui les lui avait demandées afin d’en démontrer le peu de sérieux – c’était dans la foulée du scandale autour du fichier EDVIGE. Et le site Bakchich.info les publia dans un article intitulé “Tous fichés, même les potes de Nicolas Sarkozy“.

Traçabilité de l’approximation

Si le STIC se révèle une encyclopédie de l’approximation et de l’erreur policière, cependant, il était déjà interconnecté à un dispositif permettant de tracer l’accès à ses registres. Permettant alors d’identifier pas moins de 610 fonctionnaires ayant interrogé le STIC au sujet de Djamel et 543 au sujet de Johnny. 24 fonctionnaires ayant imprimé la fiche de l’humoriste et 16 celle du chanteur. L’épisode avait entraîné l’ouverture d’une autre procédure, pour violation du secret professionnel, confiée elle à un juge d’instruction.

Qui reçut des explications claires de Philippe Pichon, vite suspecté. Celui-ci expliqua son “geste citoyen” en raison des nombreux dysfonctionnements du STIC, au sujet desquels il avait plusieurs fois alerté sa hiérarchie, en vain. Dans son ordonnance de renvoi, qu’OWNI a pu consulter, le juge écrit d’ailleurs que le fichier :

a été unanimement critiqué et l’est encore notamment par la CNIL qui avait relevé de singulières défaillances et avait émis 11 recommandations (…) Il appartiendra au Tribunal de se prononcer en tant que Juge du fond sur la légalité de l’acte administratif réglementaire ayant présidé à la création du STIC.

Le renvoi de Philippe Pichon devant le Tribunal correctionnel, pour violation du secret professionnel, accès frauduleux à un système automatisé de données et détournement d’informations à caractère personnel, a quant à lui été fixé au 22 mai 1012. C’est là que, par souci de cohérence, les magistrats pourraient se pencher sur la légalité du STIC.

D’ici là, il semble peu probable que le Tribunal administratif prenne le risque, ce jeudi, de confirmer l’expulsion du commandant Pichon. Lequel pourrait bien être traité en héros, au mois de mai, lorsque le débat portera sur le sérieux et la légalité de ce STIC.

Créé en 1994, légalisé en 2001, le STIC a fonctionné en violation de la loi informatique et libertés pendant six ans. Lorsque la CNIL fut enfin autorisée à le contrôler, ses découvertes la conduisirent “à faire procéder dans 25 % des cas à des mises à jour, ou même à la suppression de signalements erronés ou manifestement non justifiés” :

Par exemple, une personne signalée par erreur comme auteur d’un meurtre, ou encore un enfant de 7 ans signalé dans le STIC pour avoir jeté des cailloux sur un véhicule…

En 2008, la CNIL constata un taux record de 83% d’erreurs dans les fiches STIC qu’elle fut amenée à contrôler. Et, au terme d’une enquête approfondie de plus d’un an, la CNIL estima que plus d’un million de personnes, blanchies par la justice, étaient toujours fichées comme suspectes dans le STIC…


Illustration d’Obey via Leo Reynolds/Flickr [cc-by-nc-sa]

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http://owni.fr/2011/10/18/un-flic-pourfend-le-systeme/feed/ 26
Nicolas Sarkozy a créé 44 fichiers policiers http://owni.fr/2011/05/31/nicolas-sarkozy-a-cree-44-fichiers-policiers/ http://owni.fr/2011/05/31/nicolas-sarkozy-a-cree-44-fichiers-policiers/#comments Tue, 31 May 2011 12:19:43 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=65407 En 2006, le groupe de travail sur les fichiers de police et de gendarmerie, dépendant du ministère de l’Intérieur et présidé par Alain Bauer, recensait 34 fichiers. En 2009, le rapport des députés Delphine Batho et Jacques-Alain Bénisti, mandatés par l’Assemblée suite au scandale Edvige, en répertoriait 58, soit une augmentation de 70% en trois ans.

Plusieurs d’entre-eux avaient échappé aux radars du groupe d’Alain Bauer parce qu’expérimentaux, ou non déclarés. Les deux députés notaient par ailleurs que le quart des fichiers identifiés par les députés n’avaient aucune base légale… Un comble, pour des fichiers de police judiciaire.

En consultant les avis de la CNIL publiés au Journal Officiel et relatifs aux traitements de données mis en oeuvre par la police ou la gendarmerie, OWNI a dénombré, à ce jour, au moins 70 fichiers policiers (plusieurs autres sont en cours de création, ou d’expérimentation, et non encore déclarés), soit 12 de plus en seulement deux ans.

Les députés, suite au scandale Edvige, avaient pourtant expressément réclamés d’être saisis de toute création d’un nouveau fichier. Mais leur proposition de loi avait été copieusement enterrée, “en grande pompe (et) sur ordre du gouvernement“, fin 2009.

44 de ces 70 fichiers ont été créés, ou officialisés, depuis que Nicolas Sarkozy est arrivé Place Beauvau, en 2002. Quelques-uns avaient en effet été créés avant son arrivée, à l’instar de JUDEX, le fichier des suspects de la gendarmerie, créé en 1985 et qui a fonctionné en toute illégalité jusqu’à sa régularisation, en… 2006. En tout état de cause, le nombre de fichiers a explosé de 169% depuis 2002.

Dans le même temps, Nicolas Sarkozy a également fait adopter pas moins de 42 lois sécuritaires… et fait modifier la loi informatique et libertés, en 2004, de sorte que lorsque le gouvernement veut créer un fichier “de sûreté” ou portant sur l’ensemble de la population (carte d’identité, dossier médical partagé, etc.), il ne soit plus obligé de tenir compte de l’avis de la CNIL, mais seulement de le publier au Journal officiel. Ce qui explique aussi ce pour quoi le nombre de fichiers policiers explose véritablement à partir de 2005 :

Fichiers d’étrangers, de “non-admis“, de passagers, d’interdits de stade, d’analyse de crimes et délits, de renseignement, de prélèvements (biométriques, génétiques)… la quasi-totalité relève du “profiling“. Très peu relèvent de l’anti-terrorisme, mais nombreux sont ceux qui visent la sécurisation des frontières, et tout particulièrement les étrangers.

Le nombre de fichiers créés ces dernières années est tellement important que, pour les visualiser, il nous a fallu étirer l’application dans toute sa hauteur. Cliquez sur les noms des fichiers pour afficher leurs descriptions, et utiliser la souris pour visualiser les plus récents, à droite du tableau (voir aussi le tableur où ont été répertoriés tous ces fichiers) :

Lorsqu’elle s’est sérieusement penchée, en 2008, sur le plus connu des fichiers policiers, le STIC (Système de Traitement des Infractions Constatées, casier judiciaire bis qui répertorie plus de la moitié des Français : 5 millions de “suspects” et 28 millions de victimes), la CNIL avait constaté 83% d’erreurs dans les 1400 fiches qu’elle avait été amenée à contrôler.

Dans son rapport, la CNIL déplorait également le fait que, faute d’être mis à jour par le ministère de la Justice, le STIC continuait à ficher comme “suspects” plus d’un million de personnes qui avaient pourtant été blanchies par la Justice.

Aucune évaluation d’ensemble de la fiabilité des fichiers policiers, de leurs taux d’erreur et du nombre de “présumés innocents” fichés, à tort, comme “suspects“, n’a jamais été effectué. Personne ne sait exactement combien de personnes y sont fichés, mais on estime que l’emploi de plus d’un million de salariés dépend de leur inscription, ou non, dans ce fichier, et que plusieurs milliers d’entre-eux ont d’ores et déjà été licenciés, ou se sont vus refuser tel ou tel emploi, parce qu’ils y figuraient.


A noter que, pour faciliter la visualisation, nous n’avons pas mentionné les 6 fichiers créés de 1942 à 1987, à savoir :

  • Fichier de la batellerie (1942)
  • Fichier relatif à la carte nationale d’identité (1955)
  • FAR – Fichier alphabétique de renseignements (1971)
  • FNPC – Fichier national des permis de conduire (1972)
  • FPNE – Fichier des personnes nées à l’étranger (1975)
  • FAC – Fichier des avis de condamnations pénales (1982)
  • FTPJ – Fichier de travail de la police judiciaire (1987)

Voir aussi les nuages de tags de ces fichiers :

Wordle: Fichiers policiers français Wordle: Fichiers policiers français

Image CC by-nc-nd entropiK

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http://owni.fr/2011/05/31/nicolas-sarkozy-a-cree-44-fichiers-policiers/feed/ 110