OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le mari caché de Valérie Pécresse http://owni.fr/2011/05/26/le-mari-cache-de-valerie-pecresse/ http://owni.fr/2011/05/26/le-mari-cache-de-valerie-pecresse/#comments Thu, 26 May 2011 21:10:59 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=64775 Regard très critique sur la déclaration d’intérêts de Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Chaque semaine, OWNI vérifie les déclarations d’intérêts des membres de l’exécutif, mises en ligne le 22 avril. Le chef du gouvernement François Fillon ayant demandé que ses ministres et secrétaires d’État se montrent exemplaires sur ce point.

Problème : le formulaire rempli par Valérie Pécresse se distingue par l’absence de références aux activités de Jérôme Pécresse, son époux depuis 1994. En page 3, dans la rubrique intitulée «Autres intérêts notamment familiaux que le membre du gouvernement estime souhaitable de désigner», il n’apparaît pas.

Après un début d’activité au Crédit Suisse, Jérôme Pécresse, ingénieur des Ponts et Chaussées, a fait l’essentiel de sa carrière au sein du groupe minier Imerys (ex Imetal). Un géant du secteur : 15 000 personnes, 3,4 milliards d’euros de chiffres d’affaires. Au siège du groupe à Paris, il occupe depuis 2008 le poste de directeur général délégué. À travers le monde, Jérome Pécresse apparaît également dans d’autres sociétés rattachées aux activités minières du groupe. C’est le cas d’une société Suisse, Timcal, basée dans le canton italophone du Tessin, et que Jérôme Pécresse préside comme le montre cet extrait du registre des sociétés de la Confédération helvétique :


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L’absence de Jérôme Pécresse dans la déclaration d’intérêts étonne encore plus au regard de ses ambitions récentes. Le 1er février dernier, dans une tribune publiée par Les Echos, Jérôme Pécresse appelait à la création en France d’un pôle industriel dédié à la gestion des minerais rares. Suggérant à l’État de fonder un consortium spécialisé sur ce secteur, en s’appuyant sur le groupe français Eramet (spécialisé dans les minerais rares), et sur Areva (actionnaire d’Eramet). Jérôme Pécresse écrivait :

Il est stratégiquement essentiel que la France se dote de tous les moyens et de toutes les structures nécessaires, non seulement pour sécuriser son approvisionnement dans les matières premières minérales qui sont déjà importantes pour notre industrie ou le deviendront, mais également pour jouer un rôle stratégique de premier plan dans cette nouvelle cartographie des ressources mondiales (…) la ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, Christine Lagarde, semble consciente de ce besoin (…)

Trois semaines après cette intervention remarquée, la Lettre A (sur abonnement), publication professionnelle consacrée aux réseaux politiques, estimait que l’Agence des participations de l’État (APE), dépendant de Bercy, soutenait une candidature de Jérôme Pécresse à la tête d’un éventuel consortium français spécialisé dans les minerais rares. La Lettre A écrivait :

Jérôme Pécresse (…) mène un intense lobbying pour prendre la tête du futur grand groupe minier français qui pourrait être issu d’une filialisation depuis Areva. Le patron de l’APE, Jean-Dominique Comolli, a récemment informé Patrick Buffet, le président d’Eramet, du soutien qu’il apportait à Jérôme Pécresse. Depuis l’arrivée en juin 2010 de Gilles Michel (ex-patron du FSI) chez Imerys, également comme DG adjoint, Jérôme Pécresse sait qu’il n’a plus aucune chance de devenir le numéro un du leader mondial des minéraux industriels. Candidat malheureux à la direction générale d’Eiffage en décembre, il cherche un autre point de chute.

Ces jeux de pouvoir auraient dû conduire Valérie Pécresse à mentionner les activités de son mari dans sa déclaration d’intérêts. Au moins pour une raison : les activités minières stratégiques en France sont largement sous l’influence de la puissance publique. Le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies – dépendant du ministère de l’Économie et des Finances – détermine la politique industrielle en ce domaine. En synergie avec les puissants réseaux de l’École des Mines, eux-mêmes en relation étroite avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dirigée par Valérie Pécresse.

Pour sa défense, la ministre évoque la possibilité que les activités de son mari soient répertoriées dans une partie demeurée secrète de sa déclaration d’intérêts. En effet, avant la mise en ligne des déclarations des ministres, le gouvernement a décidé que deux rubriques sur six ne seraient jamais rendues publiques. Remettant en cause la crédibilité de l’exercice. Ces rubriques couvertes par le secret concerneraient notamment les conjoints, c’est-à-dire les personnes susceptibles, par leur proximité, d’être le plus confrontées à des situations de conflits d’intérêts.

Illustrations Flickr Colodio by-nc-sa

Retrouvez les épisodes précédents : Frédéric Lefebvre dissimule ses intérêts, Nathalie Kosciusko-Morizet cachotière sur sa famille et l’intégralité de notre série de vérifications des déclarations d’intérêts des ministres du gouvernement.

Mise à jour, vend. 27 mai 11h40

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Ce bug qui exclut les étudiants étrangers du post-bac http://owni.fr/2011/02/03/ce-bug-qui-exclut-les-etudiants-etrangers-du-post-bac/ http://owni.fr/2011/02/03/ce-bug-qui-exclut-les-etudiants-etrangers-du-post-bac/#comments Thu, 03 Feb 2011 17:16:21 +0000 Olivier Ertzscheid http://owni.fr/?p=37914 Je suis universitaire, maître de conférences, et j’enseigne notamment en IUT, c’est à dire dans une formation Bac +2 qui accueille chaque année de jeunes (ou moins jeunes) bacheliers. Et une fois de plus, j’ai honte. Le ministère a mis place et généralisé depuis l’année dernière (ou il y a 2 ans, je ne sais plus) une procédure informatique appelée « admission post-bac » qui centralise toutes les demandes d’inscription (les « voeux ») dans toutes les filières universitaires (université, BTS, DUT, etc.)

Dans un état laïc et républicain, l’accès aux études est normalement garanti y compris aux jeunes de nationalité étrangère. C’est même inscrit dans un document aussi obscur que confidentiel que l’on appelle la « Constitution ». Oui mais voilà, sur « Admission Post-Bac », cette année, si l’on n’est pas de nationalité française, on n’a plus le droit de suivre des études supérieures de s’inscrire à une formation en apprentissage. C’est peu dire le niveau qu’atteint aujourd’hui mon écœurement.

Identité, éducation et exclusion nationale

Alors bien sûr, et heureusement, le lièvre a été levé par quelques vigilantes associations et syndicats, alertés par des lycéens, des parents de lycéens et quelques trop rares fonctionnaires moins soucieux de leur devoir de réserve que de leurs responsabilités citoyennes. Ils menacent de saisir la Halde (Haute autorité contre les discriminations) si rien n’est fait d’ici 8 jours (NdE : ce billet a été publié le 1er février 2011).

Le ministère de l’exclusion nationale (à moins qu’il ne s’agisse de celui de l’identité nationale, ou de l’éducation nationale, l’un des hauts-faits du sarkozysme est d’avoir vidé de leur sens l’ensemble de ces syntagmes), le ministère de l’exclusion nationale donc, a une nouvelle fois bafouillé son socle républicain, il a une énième fois cafouillé dans l’échelle de ses valeurs, après avoir :

Dans un premier temps,(…) indiqué que ces élèves ne pouvaient pas s’inscrire faute d’avoir un contrat de travail. Lundi soir, le ton était moins catégorique. La ministre de l’Enseignement supérieur a demandé au directeur général de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle de passer au crible toutes les procédures d’admission pour y traquer la moindre discrimination. (source)

Demain peut-être on nous expliquera qu’il s’agit-là d’une anomalie résultant de l’erreur humaine d’un programmeur, erreur immédiatement rectifiée dès son signalement. Je prends les paris. Navrante, consternante, aberrante, écœurante réaction qui dit tout le déni constitutionnel assumé par ceux censés en garantir les principes. Pourtant, sur Admission Post-Bac, à la rubrique « le guide du candidat », on a même droit à un document spécial pour les « candidats étrangers ».

Une procédure reconnue comme « vérolée » depuis un an…

Je veux croire que cette honte sera temporairement effacée. Et pourtant.

Pourtant l’année dernière déjà, sans que les journaux s’en fassent l’écho, quelques directeurs d’IUT et quelques chefs de département indiquaient, en « off », que la procédure « admission post-bac » pour les candidats étrangers était passablement « vérolée », « plus compliquée ou plus buggée », les mêmes préférant finalement souvent refuser en bloc le traitement des dossiers desdits candidats étrangers, en prétextant une réception hors-délai ou un élément manquant dans le dossier.

Pourtant sous couvert de simplification des procédures, de décentralisation, d’informatisation ce système autorise toutes les dérives. Il n’offre absolument AUCUNE garantie du respect des droits de chacun, sauf à présenter, comme c’est cette année le cas, un dysfonctionnement tellement patent que nul ne saurait longtemps en garantir la discrétion ou la confidentialité.

Pourtant ces dispositifs de flicage se multiplient, de la maternelle (le fameux débat « base élève ») à l’entrée à l’université et bien au-delà.

Pourtant il n’existe aujourd’hui aucun moyen qui, en connaissant la dangerosité et les risques de tels systèmes, permette de s’en affranchir.

Mais il est vrai que depuis déjà quelques années, nos différents ministres de l’éducation nationale ou de l’enseignement supérieur et de la recherche n’ont jamais permis à leurs propres enfants de fréquenter les bancs de l’école républicaine, leur préférant l’enseignement privé catholique ou les services d’un précepteur. Toute honte bue. Qu’ils s’en aillent tous.

Billet publié initialement sur Affordance sous le titre Admission post-bac: ministère de l’exclusion nationale

Illustration CC Flickr Régis Matthey.

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A qui est ce tube? http://owni.fr/2010/12/30/a-qui-est-ce-tube/ http://owni.fr/2010/12/30/a-qui-est-ce-tube/#comments Thu, 30 Dec 2010 12:16:12 +0000 Francis Gosselin http://owni.fr/?p=29193 Une réflexion sur la création d’oeuvres et l’appropriation systématique de celles-ci par leurs “créateurs”. Ici, l’auteur critique la propriété intellectuelle et justifie sa position en rappelant les base du processus de création. Ça n’est pas tant pour la véracité de cette réflexion que nous publions ce texte aujourd’hui que pour sa nature interrogatrice. Alors que tout est bouleversé, toutes les notions qu’entourent le monde de la musique sont revisitées. La philosophie ayant toujours été le fondement de tout aboutissement, voici un texte de Francis Gosselin.

“Non qu’il refusât la gloire, mais celle-ci signifiait alors autre chose; j’imagine que le public auquel il s’intéressait, qu’il désirait séduire, n’était pas la masse d’inconnus que convoite l’écrivain d’aujourd’hui, mais la petite compagnie de ceux qu’il pouvait personnellement connaître et estimer.” – Milan Kundera, La Lenteur (Gallimard, 1995)

La gloire liée à l’attribution objective et nominative d’une propriété artistique promeut-elle la créativité lorsqu’elle livre aux regards de ses scrutateurs les créateurs-propriétaires qui s’érigent dès lors en idoles millionnaires ? N’y a-t-il pas de vertu à écrire des articles sans les signer, à les signer d’un faux nom, à les attribuer à d’autres, personnages fictifs ou réels ? Et si l’idée propriétaire était un piège, le trou noir social des idées nouvelles?

Il fût un temps où écrire était pénible. Enfin, écrire est toujours pénible, mais maintenant, les gamins de seize ans tapent 60 mots minute et produisent, eux aussi, des contenus en volume. Des volumes de contenus.

Ils crowdsourcent, ou plutôt, sont crowdsourcés. À défaut d’être embauchés par des multinationales bureaucratisées, ils créent pour le plaisir, et l’acte de créer a pour eux une valeur en soi. L’auditoire est précis, la plupart du temps limité. Dans cet univers, l’auteur préserve une certaine rareté, voire une rareté certaine. Le monde n’est pas plat. Un chemin est parcouru, au sein duquel beaucoup de choses sont créées et circulent : on ignore la plupart du temps d’où elles viennent, où elles vont.

À qui appartient l’idée ? Qui la protège donc ? Le cas échéant, dans quel but ? Si cette appropriation dirigeait vers l’auteur les regards critiques et les commentaires normatifs ayant valeur de propositions constructives, ne l’enfermerait-on pas dès lors dans une danse qui requerrait la cohérence rationnelle, interdisant l’exploration ?

En fait, la propriété de l’art a ceci d’étrange qu’en élevant le créateur au rang de mythe, elle dénature l’oeuvre, et réduit le processus de création à un simple acte de production. Regarder l’avenir – comme l’atome, ou l’artiste – le change. L’artiste propriétaire est un entrepreneur capitaliste qui crée, puis exploite à l’infini les droits sur sa création : un droit de monopole qui en fait un rentier oisif. S’il réussit, il se retrouve au centre d’une machine qui articule pour lui la production et la distribution de son travail.

La machine construit le sens social autour de l’oeuvre : on le regarde travailler, on décrit ce travail. La machine referme le monde sur l’artiste et l’artiste sur le monde. Devenu riche et célèbre de son vivant, il perd en quelque sorte le statut d’artiste, car la divergence lui est interdite. Le mythe de l’artiste pauvre repose sur ce constat, que rémunération et gloire affectent négativement la création : ils l’encadrent et incitent à la mimésis, détruisent la contestation normative. Ils font du créateur un prosélyte de sa propre contemporanéité.

Un être bassement politique. I am what I am, écrit Reebok. Produire pour la masse informe et anonyme – celle qui est car elle est – est bien garante de production, mais non de culture. La culture de masse, Adorno l’a bien montré, est la fin de la culture.

On clame pourtant que gloire, célébrité et richesse sont nécessaires. Pour justifier la machine symbolique du déclamateur de masse, on soutien qu’en leur absence, le monde n’aurait engendré ni le feu, ni la roue, ni Kundera ni aucun autre. Par ce discours, l’auditoire, bien que toujours présent à l’esprit du créateur, devient la finalité. Il faut vendre. À quiconque.

Mais pourquoi faut-il donc que la masse des inconnus aime ainsi a priori ? Pourquoi niveler, plutôt qu’élever une oeuvre à un stade requérant un effort d’interprétation ? N’est-ce pas justement cette obsession de la gloire et de la célébrité qui a rendu le cirque politique absolument abscons, méprisé par tous et par toutes, même par ceux qu’y s’y prêtent ? Et si on acceptait que certaines créations n’appartiennent qu’à quelques destinataires choisis ?

La forme nécessaire de la durée, contre la plastique propriété

Le soin de partager les mots, les sons et les images devrait nous servir de guide, de leitmotiv incontestable. Nous héritons d’un riche héritage artistique et culturel que nous rendons, par notre travail de transformation, disponible aux autres. C’est ainsi que s’érige la valeur politique de l’art, par la reformulation toujours en cours, jamais complète, des mêmes mythes fondateurs qui nous appartiennent à tous.

A contrario, le culte de la vitesse et de l’aplatissement du monde, qui autorise les plus absurdes excentricités artistiques (de Damien Hirst à Lady Gaga), n’ont d’effets politiques qu’a posteriori. Ils captivent par le spectaculaire-plastique et construisent des discours qui servent de justification ex post à des actes esthétiquement planifiés mais politiquement insignifiants.

Comme ils s’adressent à tous, ils ne s’adressent à personne. Leur existence, insipide et peu amène à une société des philosophes, n’est rendue possible que par l’acceptation lascive d’un système illégitime de propriété des idées. Illégitime tant dans ses fondements que dans les effets, inégalitaires et injustes (surtout sur le plan artistique) qu’il engendre. Les idoles monopolistiques surfent sur du vent, à grands renforts de monopoles construits pour “encourager les créateurs”, alors qu’il est convenu qu’ils ne créent rien, mais empruntent tout.

Ils s’abreuvent à même la sédimentation des lieux communs qu’ils recrachent à grands renforts de médias, instrumentalisation des rentes du monopole pour justifier le monopole. Ils reproduisent le contenu et le contenant : ils ne créent rien, ils reproduisent. Ils n’existent que pour la masse informe, cible politique du marché des symboles. Ils n’ont ni destinataire, ni destination.

La propriété intellectuelle des oeuvres artistiques fait en sorte que ceux qui réussissent à encercler les mythes fondateurs en se les appropriant réussissent de facto à imposer les produits de cette appropriation comme seuls légitimes. Ils sont encouragés par le cirque politique. La pénalisation du prétendu “pirate” ne fait qu’affirmer le monopole symbolique de ces monopoles culturels.

Cette démarche exclut l’activation d’un levier majeur de l’exception culturelle – le jugement ! – et réduit le débat à un non lieu juridique. Chemin faisant, on désigne la célébrité – “la voilà”, dit-on – en regardant la machine productrice de symboles, ce qui mène à conclure que, puisque la machine tourne, il y a forcément création. On jette le bébé. Puis l’eau du bain. On ne garde finalement rien de bon. En remettant à plat les droits de détention et d’exploitation de l’oeuvre, le cirque politique refuse d’agir subjectivement et d’interjeter en faveur du Beau, aux dépens des représentations plastiques qui aveuglent. Comme si toute création était égale…

Enfin, l’acte de création ne se satisfait que très rarement de produits finis, plastiques et emballés. En témoignent les multiples élaborations intermédiaires des architectes, pour qui sketches et maquettes constituent l’essence du travail, un work in progress, vers un but jamais atteint, ou enfin, toujours imparfaitement. Car l’oeuvre de l’auteur, comme celle de l’artiste, n’est jamais qu’un ensemble difforme de productions, une oeuvre totale à laquelle chacune des parties n’est finalement qu’une contribution infime.

Ce n’est pas là où on prends les idées, qui compte, mais enfin là où on les amène, disait Godard.

Facile, diront certains, l’architecture est l’une des disciplines où création et attribution participent d’un même mouvement. Pourtant, même (et surtout) en architecture, ce sont l’ensemble des ébauches et des articulations intermédiaires de l’oeuvre qui constituent le creuset de la création véritable. L’oeuvre architecturale, une fois construite, “n’appartient” plus au créateur.

Ainsi, l’impossible perfection du “ça” et du “là” que tentent de mettre en scène et de protéger les chorégraphes de la pop-culture, n’est finalement qu’un leurre adolescent qui, à force d’expériences infructueuses, se solde par la mise en garde de Frank Gehry sur cette immaturité créatrice : “there is no there” ; il n’existe pas de chose telle qu’un produit culturel fini. Les sketches, comme les maquettes de l’architecte, sont parfois volontairement déconstruites. Car la richesse esthétique de l’acte créatif repose, justement, dans la nature essentiellement incomplète de toute oeuvre.

Ainsi, le monde des arts, comme l’ensemble des activités de remise en scène des mythes fondateurs (ce que nous nommons, par convention, création), ne sont en fait que des étapes d’un lent processus d’accumulation et d’expérimentation des formes, des sons et des couleurs du monde.

On se surprend même que, sur un tel chemin, certains soient parvenus à faire reconnaître une propriété quelconque sur un tronçon unique, sans alternatives, et sans égard au chemin parcouru. Ils s’approprient ainsi, et étrangement, une part significative de l’incomplétude du monde. Ils posent sans humilité leurs noms en grandes lettres sur le mur de l’Histoire. Ils altèrent les possibles, obligeant un retour aux sources, sources à partir desquelles peut-être d’autres rivières formeront leurs lits. Nous creusons des digues. En attendant.

Remerciements à Jules Lacoste et Jean-Jacques Stréliski, ces êtres chers qui m’inspirent, au même titre, sinon davantage, que ce très cher Kundera, que j’admirerai éternellement. Encore que sans Denis Roy, Émilie Pawlak et Pierre-Antoine Lafon, cet article eût été impossible.

Artiicle initialement publié sur: Mosaic

Crédits photos CC flickr: http: Akmar Simonse; zigazou76; Alessandro Pinna

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