Docteur prof et Mister Web

Le 27 août 2009

Philippe Crouzillacq sur O1.net revient de façon assez pertinente sur une enquête menée dans les Landes suite à l’opération « un collégien, un ordinateur » (1) dotée d’une enveloppe de 45 millions d’€… L’enquête menée par TNS Sofres entre septembre et octobre 2008 montre des résultats mitigés.  90 % des parents trouvent l’ordinateur portable à l’école utile, 86 [...]

Philippe Crouzillacq sur O1.net revient de façon assez pertinente sur une enquête menée dans les Landes suite à l’opération « un collégien, un ordinateur » (1) dotée d’une enveloppe de 45 millions d’€…

L’enquête menée par TNS Sofres entre septembre et octobre 2008 montre des résultats mitigés.  90 % des parents trouvent l’ordinateur portable à l’école utile, 86 % y reconnaissant un réel bénéfice pour l’enseignement.

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Cependant, 45 % des enseignants (j’ose dire seulement 45 % ?!) pensent que le PC apporte quelque chose de nouveau et de pertinent pédagogiquement parlant… 55 % estiment que c’est une nouvelle perte de temps en surveillance quand les parents imaginent leur progéniture jouant plus que travaillant….

De plus, l’enquête TNS révèle que le Web reste fort peu utilisé dans ces classes pourtant équipées à grands frais par les collectivités territoriales des Landes…

Ces quelques chiffres mis en avant par  Philippe Crouzillacq dans son article ne peuvent que  faire réagir.

Je ne vais pas jeter la pierre aux enseignants qui pour la plupart font un bon boulot mais les remarques que soulève cette enquête TNS suite à cette opération extrêmement pertinente des Landes sont nombreuses.

Tout d’abord, mettre entre les mains d’un collégien un PC revient à la nécessité absolue de le former à l’utilisation pertinente de l’outil… et une grande majorité de profs ne sont pas préparés à cela. De même, les collégiens sont nés avec une souris à la place de la tétine et dépassent souvent, en termes de navigation, leurs aînés.

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Si l’on ajoute à cela que, je l’évoquais dans un de mes précédents billets , l’image du net est encore délétère chez les défenseurs du tout papier, du bon vieux manuel scolaire et de la copie qu’on prend plaisir à rougeoyer à grands coups de stylo, on obtient un résultat quelque peu gênant.

Les enseignants estiment majoritairement que le PC et le Net ne leur apportent pédagogiquement pas grand-chose… Erreur monumentale en lien direct avec cette réalité 2.0 dont je parle.

L’enseignant doit systématiquement remettre en cause sa façon d’enseigner en fonction des classes, des élèves, des étudiants qu’il a en face de lui. Il doit porter en lui leur culture… les comprendre est essentiel… Or, nous avons tendance à oublier ce que nous avons été pour montrer l’exemple, mais un exemple dans lequel les mômes ou les jeunes adultes ne se reconnaissent pas tant le fossé est parfois grand entre prof et élève.

Pour en revenir à l’utilisation d’un PC, faire faire des tableurs ou des mises en page dans Word est certes utile mais on a vite fait le tour de ce genre de choses, et les mômes s’emmerdent…. Et c’est souvent là que survient le moment où le collégien voire même l’étudiant, quel que soit son âge, va cliquer sur les petits jeux contenus dans son PC… voire naviguer sur MSN ou facebook en cours. Problématique non ? L’ennui peut amener à cela mais la connexion aux réseaux peut aussi être liée au désintérêt pour le cours auquel cas, c’est à l’enseignant de trouver des stratagèmes pour ramener les étudiants vers les onglets de navigation un peu plus admissibles dans une salle de cours. Pour peu qu’il ait la possibilité de le faire donc d’avoir été formé, on y revient, à l’utilisation du 2.0.

Ne pas trouver de vertus pédagogiques à un PC peut à la limite se comprendre, il est souvent perçu par les profs comme un outil facilitateur dans la relation à l’élève, comme un assistant pédagogique permettant de corriger des fautes quand des petites vagues rouges apparaissent sous un mot… De plus, il a encore souvent une image uniquement ludique pour les plus jeunes à qui il faut alors faire découvrir qu’un PC n’est pas là que pour aller sur MSN.

Cependant, l’interactivité du Web peut, et presque doit, être utilisée en cours.

Utiliser les technologies familières aux élèves est presque une évidence… les faire bosser sur une veille, un bench, un moodboard, un simple exposé, une présentation PPT, un blog, peut scotcher les élèves et faire passer plus facilement des notions qui autrement auraient été balancées via des photocopies, du cours magistral dispensé ex cathedra. Jouer cette carte est un atout majeur pour un enseignant qui devra remettre en cause ses propres perceptions de la relation pédagogique mais qui au final en tirera un réel bénéfice. Nombre d’ouailles ont été évaluées en formation pro via un blog qu’il leur fallait créer et remplir de contenus de leur choix…

Bien sûr la chose est délicate pour des collégiens, mais il va de soi que l’on peut trouver des solutions adaptées à leur âge, à leur degré de maturité dans la prise en main de l’outil Web.

Un cours peut devenir 2.0, il n’en deviendra que plus interactif… Mener un cours, si j’ose décaler ce terme de son acception première, en rich média, apparaît presque une évidence… Un contexte posé par le prof et soutenu par de la projection vidéo, sonore, recontextualisé avec tous les outils Web à notre service pourrait amener les élèves à ne plus s’ennuyer… si tant est que ce soit fait dans un cadre régulé et non à la façon des projections de films auxquelles nous pouvions assister et qui étaient au final assez pratiques pour ne pas faire cours ou buller, dormir…

De même, puisque tous les élèves sont accrocs aux TIC, aux réseaux sociaux, ce peut être une occasion phénoménale de les y former réellement sans qu’ils aient à découvrir à leurs dépens les règles du jeu… Leurs téléphones portables aussi (ou twitter) peuvent servir… il faut jouer le jeu des outils qui nous sont offerts. L’espace d’écriture d’Internet, des blogs, de twitter est considérable. Ecrire un message pertinent en 140 signes pour en faire un tweet ou en 160 caractères dans un SMS pour faire passer une info est un exercice de style. On évitera bien sûr les atrocités des abréviations habituelles….

L’école a clairement du retard dans l’utilisation du Net en dépit des tentatives montrées en exemple ici avec les Landes. Cette enquête révèle que si la fracture numérique ne s’est pas produite en France dans les foyers où les taux d’équipement augmentent constamment, elle s’est à tout le moins faite à l’école, dans les collèges ou les lycées où le Web et les PC sont utilisés à minima. Une connexion en 512 k pourrait parfois suffire !! La peur que l’école à d’Internet se montre de plus en plus… Les proxy académiques limitent les accès à un nombre de sites faramineux, exceptions faites des écoles connectées en wifi mais elles concernent l’enseignement supérieur essentiellement…. De plus, nombre de profs tiennent pour acquises les connexions Web domestiques, de facto, faire des recherches en cours, ou enseigner avec le Web, s’avère inutile…  Le prof pourrait portant devenir un guide sur le Web, s’il le maîtrisait parfaitement … Cependant, l’école à beaucoup plus tendance à interdire qu’à transmettre pour former des mômes à la société dans laquelle ils vivront …

1 : Opération à l’initiative de Pierre-Louis Ghavam, dont vous pouvez retrouver une interview ici.

Image de Une d’après “Lizette Greco”

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