Les médias sociaux sous surveillance

Le 9 décembre 2010

Ce vendredi a lieu à Paris une conférence intitulée "Mon­i­tor­ing Social Media". Obsédés par le ROI, les mar­ques et les annon­ceurs scrutent les médias sociaux. Mais se posent-ils la bonne question ?

La fin d’année est tou­jours un moment prop­ice aux grands rassem­ble­ments d’hiver et var­iés par­lant de web et médias numériques. L’intérêt de ce type de con­férence est de sen­tir la « ten­dance » et les préoc­cu­pa­tion du moment des « pro­fes­sion­nels de la profession ».

Côté LeWeb, ça donne le thème des plate­formes, sujet finale­ment assez générique mais qui donne une bonne vision du sens qu’est en train de se don­ner le web avec des zones d’attraction applica­tives et agréga­tives comme cer­tains OS ou Facebook.

Mais un autre sujet a attiré mon atten­tion : cachée juste le lende­main de LeWeb (les 8 et 9 décem­bre), la conférence Mon­i­tor­ing Social Media (ven­dredi 10 décem­bre à Paris) reprend une par­tie des inter­venants de la conférence de Loïc Le Meur pour un sujet très dif­férent : la sur­veil­lance des médias sociaux.

« C’est quoi le ROI ? »

Ahh­hhh… Voilà LA ques­tion qui revient tout le temps dès que l’on parle de réseaux et médias sociaux grand public (Face­book, Twit­ter, blogs…) et pro­fes­sion­nels (Jive, blueKiwi, Social­Text…) : c’est quoi le retour sur investisse­ment de tout ça ?

Autant vous dire que les mar­ke­teurs de tous poils se les arrachent pour essayer de répon­dre à cette ques­tion posée par absol­u­ment TOUTES les mar­ques et les annon­ceurs. Autant vous le dire, posée comme cela la ques­tion me fout des bou­tons car c’est bien sou­vent un a priori de défense vis-à-vis d’un mod­èle que ne com­pren­nent pas les annon­ceurs car ils ont une sen­sa­tion de perte de con­trôle. Ils ont peur, au choix : que leur mes­sage soit déformé, que leur mar­que soit détournée, leur cam­pagne ridi­culisée, bref que les gens osent dire des gens.

Hey ! Mais c’est la vraie vie les gars, ce que se racon­tent les gens autour d’une table quand ils par­lent de leur dernier achat ! Va fal­loir appren­dre à lâcher prise et se dire que le Net peut apporter aussi de belles choses à une cam­pagne de com­mu­ni­ca­tion (la recon­nais­sance, l’inscription dans le temps, de la répu­ta­tion…), et surtout vous dire que si vous faites une cam­pagne sympa et orig­i­nale au pire ça ne marchera pas, au mieux ça car­ton­nera. Mais elle ne sera pas for­cé­ment étrillée.

Mais revenons à la ques­tion : alors, c’est quoi le ROI des médias soci­aux ? Tra­duc­tion : « quel intérêt ai-je à aller sur ces trucs où les gens se par­lent, parce qu’en plus il va me fal­loir les écouter et leur répon­dre, ça va me bouf­fer des ressources tout ça ! ». Ben oui. Bien­v­enue dans le web 2.0.

Vous n’avez pas répondu à la question

Ok, c’est vrai. La vérité est que tout est à faire, et qu’évaluer un retour financier immé­diat sur une cam­pagne est dif­fi­cile. Fais­able, mais dif­fi­cile car non immé­diat, dif­fus, s’étalant dans le temps…

Donc, regar­dons ce que les spé­cial­istes de la ques­tion pro­posent en atten­dant. Si l’on prend Brian Solis, l’une des per­son­nes les plus en pointe sur le sujet et qui ne soit pas un bull­shi­teur en chef :

Les médias soci­aux inspirent une nou­velle forme d’intelligence. Avec l’abondance des out­ils d’écoute et de sur­veil­lance disponibles aujourd’hui sur le marché, les entre­prises ont accès à des infor­ma­tions et une veille en temps réel. Pou­voir savoir qui dit, pense et partage des infor­ma­tions motive les entre­prises à créer des infra­struc­tures visant à décou­vrir et suivre les con­ver­sa­tions qu’elles jugent dignes d’intérêt. Mais écouter n’est pas suff­isant. (…) Le futur repose dans la capacité à ini­tier les con­ver­sa­tions, et non pas juste y répon­dre. C’est un « clic pour action » et la capac­ité d’inspirer l’action et de la mesurer doit être au cen­tre de toute l’activité online. Les entre­prises, en inté­grant la per­for­mance et les sys­tèmes de mesure pour­ront pro­gresser vers une nou­velle pos­ture de lead­er­ship. C’est pourquoi les entre­prises com­men­cent à ren­trer en com­péti­tion pour le partage des idées et des sen­ti­ments et pour con­server une per­ti­nence d’analyse dans le temps.

Ce pas­sage résume bien l’enjeu pour les entre­prises. Ici, point de promesses de revenus immé­di­ats via les con­versa­tions, pas d’augmentation des ventes automa­tique. On va com­mencer par le commence­ment : chères entreprises, com­mencez par appren­dre à écouter. Mais vrai­ment. En mettant des per­son­nes dédiées et for­mées à cela, et pas pour six mois le temps d’un stage. Non, un vrai poste.

Com­mencez dans le même temps à mesurer. Mesurer quoi ? Ce qui se dit, les récur­rences, com­ment l’information se dif­fuse dans le temps. Prenez votre temps, le Pow­er­Point pour votre COMEX atten­dra un peu.

Sur­veiller pour essayer d’en faire quelque chose

Ceci sous-tend la sur­veil­lance général­isée des médias soci­aux. Bingo, c’est exacte­ment ce qui va se passer. Attendons-nous à être mouchés et sur­veillés de toutes parts, scrutés tel une fourmi sous un micro­scope. Les entreprises vont avoir besoin de savoir qui nous sommes, ce que nous faisons, ce que nous aimons, pourquoi, avec qui, qu’est-ce qui a fait que… Elles le font déjà (via Google sur le Net, des enquêtes d’opinion dans la vraie vie…). Les médias soci­aux ont pour eux d’être très qual­itat­ifs dans leur approche, avec beau­coup de ver­ba­tims. C’est le quali vs le quanti. Tout l’enjeu est là : la mesure devrait per­me­t­tre de réc­on­cilier les frères enne­mis du mar­ket­ing, le quali vs le quanti.

Mais sur­veiller… pour quoi ?

D’où les deman­des des entre­prises. D’où la volonté de Face­book ou Apple d’ériger un mod­èle semi-ouvert (sous formes de plate­formes, on y revient) où sont les maîtres des don­nées. Le web étant, par nature et essence, très décen­tral­isé, la récolte des infor­ma­tions et la mesure glob­ale sont d’autant plus dif­fi­ciles à gérer. Pas impossi­ble, mais com­plexe. D’où la ten­dance à avoir des mod­èles plus puis­sants qui gar­dent une par­tie des données. Mais au final on en revient au même : sur­veil­lance généralisée.

S’il y a une bonne ques­tion à se poser, c’est celle-ci. Arrê­tons de vouloir poser comme pré-requis de vouloir du ROI ou des tonnes de mesures, la seule ques­tion qui vaille est « pour quoi mesurer ? = quels sont vos objec­tifs ? ». En fonc­tion de ce que vous voulez attein­dre, inutile de pren­dre qua­tre pages de tableau Excel, quelques métriques judi­cieuse­ment choisies peu­vent suf­fire. À ce moment là, oui il fau­dra sur­veiller et mesurer, mais à bon escient.

Alors, bien sûr, reste la ques­tion « et si je n’ai pas envie d’être mesuré ». Soyons con­scients et hon­nêtes : si tous ces ser­vices soci­aux exis­tent, c’est que la mesure et la vente des don­nées per­met d’assurer leur vie.

À moins que Dias­pora

Billet initialement publié sur Stan et Dam

Image CC Flickr BWJones



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