Les parrains des candidats étiquetés
Qui sont les fameux parrains des candidats à la présidentielle ? Après avoir localisé ces soutiens sur une carte, OWNI vous propose de visualiser leurs affiliations politiques. Pour chacun des candidats en lice. Ce qui peut révéler quelques surprises.
Petit rappel : en dépit de la volonté de transparence du Conseil Constitutionnel sur ce point, la loi stipule que pour chaque candidat seuls 500 parrains sont tirés au sort, en respectant une certaine répartition géographique. Plus un candidat a eu de parrainage, moins les donnés sont, de fait, représentatives.
Il est également à noter que la loi n’impose pas la publication du nombre de signatures obtenues individuellement par les candidats. Le citoyen doit donc se contenter des chiffres déclarés par ceux-ci.
En outre, il nous manque une partie des données car les informations publiées sont incomplètes : nous avons dû fouiner dans les listes du Ministère de l’Intérieur pour retrouver tel ou tel élu. Un exercice délicat : il nous manque encore 10% des affiliations politiques des parrains de nos candidats.
L’open data sur les élus, c’est pas encore ça… Vous pouvez nous aider, si vous avez l’envie et le temps, à boucler ce fastidieux travail en contribuant à l’amélioration des données.
Face à la multiplication des étiquettes possibles, nous les avons regroupé en grandes familles, en isolant toutefois l’UMP et le PS, bipolarisation de la vie politique oblige.
Marine Le Pen, 500 signatures, Front national
Si l’on s’en tenait à la liste de ses parrains, on en déduirait que Marine Le Pen est à la tête d’une formation de droite mais pas d’extrême-droite : 228 de ses parrains, soit presque la moitié, sont classés à droite, l’extrême-droite n’apporte au pot que 104 signatures, essentiellement des élus du Front National.
L’UMP n’a apporté que 30 petites signatures. Le maire (UMP) de Saint-Rémy-de-la-Vanne expliquait ainsi avoir été ” influencé par les gens du pays” : “En général, je suis plutôt sarkozyste, insiste l’élu, mais les gens d’ici me disent qu’il y a plein de choses qui ne vont pas, qu’il y en a marre et qu’ils vont voter pour elle. Je n’adhère pas à tout mais je comprends ces électeurs. Ils ne m’ont pas supplié, mais quand j’ai vu qu’il manquait des parrainages à Marine Le Pen, je lui ai donné le mien.” Il faut relativiser ce faible soutien des élus UMP : certains élus locaux semble n’avoir pas (ou plus) envie d’être étiquetés UMP en raison de la mauvaise image du président sortant.
À noter que plus de 60 élus de gauche et même un élu d’extrême-gauche ont parrainé la candidate d’extrême-droite. Comme disait Voltaire, “Je déteste vos idées mais je suis prêt à mourir pour votre droit de les exprimer”. Mourir politiquement s’entend. De nombreux élus ont en fait donné leur parrainage à des petits candidats au nom de leur conception d’une démocratie saine.
Nathalie Arthaud, 521 signatures, Lutte ouvrière
Dans des proportions un peu moins flagrantes que pour Marine Le Pen, Nathalie Arthaud a reçu un fort soutien d’élus de droite : un bon tiers. On trouve même un élu d’extrême-droite, Jean-Louis Didier, maire d’un village en Isère. La mairie étant ouverte en semaine de 10 heures à midi, nous n’avons malheureusement pas pu découvrir les raisons de ce choix étonnant. L’extrême-gauche ne lui apporte que peu de voix, 13, la gauche hors PS lui fournissant le gros des troupes, presque un tiers. Christian Tronche maire PS de Tancrou a justifié sa décision dans le Parisien : “Le PS n’a pas besoin de moi. Et les petits candidats ont le droit de se présenter. Je soutiens ceux qui défendent les ouvriers. Il y a bien des maires de droite qui soutiennent Marine Le Pen, je fais pareil.”
Jacques Cheminade, 538 signatures
D’après les parrainages, l’inclassable candidat qui se définit comme un “gaulliste de gauche” penche plutôt à droite : 230 signatures contre 122 pour la gauche. Pourtant, il a déclaré qu’il appellerait à voter Hollande ou Mélenchon au second tour. Comprenne qui pourra …
De nombreux parrains ont été interrogés sur les raisons de leur soutien. Didier Rosier, maire divers droite de Rousseloy (Oise) estimé “qu’il aborde de bonnes idées. Je lis régulièrement son journal, tous ses propos sur les banques de dépôt, les actifs toxiques, je me suis dit que c’était vrai, qu’il avait raison sur certains trucs”, qui “fait abstraction” de ses propositions bizarres comme peupler Mars.
Le porte-à -porte chanceux semble aussi avoir fonctionné : “C’est le seul candidat qui m’ait sollicité et dont les militants se sont déplacés jusqu’à moi Cuzorn“, a expliqué Didier Caminade, maire de cette petite commune du Lot-et-Garonne.
Philippe Poutou, 572 signatures, Nouveau Parti Anticapitaliste
Encore une autre incohérence : l’effacé successeur d’Olivier Besancenot ne serait pas candidat sans la droite, qui lui a apporté au moins 122 parrainages, sur un total de 572. Comme pour Nathalie Arthaud, petit apport de l’extrême-gauche : 13 signatures. Robert Frairet, un encarté UMP qui a apporté son parrainage à Philippe Poutou, s’en est expliqué : “Ses amis sont passés il y a cinq mois. Je leur ai dit : repassez début mars. Si vous avez 499 signatures, je serai le 500e. J’ai tenu parole, car j’estime que tous les courants doivent pouvoir s’exprimer. Mais je dois avouer que si Chevènement avait été jusqu’au bout, j’aurais cocufié Poutou. C’est quelqu’un qui représente bien les valeurs de la République pour moi.
Éva Joly, 639 signatures, Europe-Écologie-Les Verts
Les parrains d’Eva Joly sont très cohérents : carton plein des écolos avec 247 signatures, 105 à gauche, dont 28 venues du PS, plutôt radin pour une candidate qui grignote son électorat, certes de moins en moins. La droite ne donne qu’une cinquantaine de voix.
Nicolas Dupont-Aignan, 708 signatures, Debout la république
Le candidat souverainiste, transfuge de l’UMP qu’il a quitté en 2007, a reçu la majorité de ses soutiens d’élus divers de droite, très peu de l’UMP. Logique : Dupont-Aignan, même s’il plafonne à 1%, peut faire un peu de tort au candidat de la majorité. Savoureuses explications sur les méthodes de ratissage :
« “Ce n’était pas forcément plus compliqué dans les mairies de gauche”, souligne [Raoul Cayol, un octogénaire qui a fait la chasse aux parrainages]. Sa recette ? Convoquer ses vieux souvenirs de gaulliste qui à 12 ans s’était “arrêté de pleurer la défaite en écoutant sur radio Londres le général de Gaulle le 18 juin 40″. “M. Lenel, le maire [communiste, ndlr] de Saint-Savournin a signé tout de suite, poursuit-il. On s’est souvenu qu’avec le général de Gaulle, on avait signé ensemble le programme du Conseil national de la résistance.” »
Jean-Luc Mélenchon, 1 100 signatures environ, Front de gauche
Jean-Luc Mélenchon a raflé les soutiens de l’extrême-gauche, au détriment de ses camarades de LO et du NPA : 263 parrainages. Comme pour Eva Joly, c’est plutôt logique. La gauche lui apporte le restant du gros des voix, environ 150. Quant à la droite, elle fait profil bas, avec moins de 30 signatures.
François Bayrou, non communiqué, 1 384 soutiens en 2007, Modem
Souvenez-vous, entre les deux tours, en 2007, une alliance PS-Modem avait semblé un instant envisageable. Le candidat du Modem continue aujourd’hui d’entretenir le flou. Sauf que ses parrainages le rappellent : le Modem est un parti de centre-droit. Il a récolté plus de 350 signatures sur ce côté de l’échiquier politiuqe, dont seulement 25 du parti majoritaire. La gauche ne lui apporte même pas 60 voix.
Nicolas Sarkozy, non communiqué, 3 461 en 2007, UMP
Données attendues là encore : plus de 400 voix de la droite dont 233 de l’UMP, 19 du centre-droit, il n’en reste plus beaucoup pour la gauche…
François Hollande, plus de 4 500, Parti socialiste
Mêmes données, mais inversées chez le challenger de Sarkozy : environ 400 signatures de gauche dont presque 300 du PS.
Contrairement à l’image généralement établie, les parrainages ne viennent pas que des maires : sur les 5 000 signatures publiées, 4004 proviennent effectivement des maires. Mais de nombreux parlementaires, conseillers généraux et régionaux, ou encore présidents de communautés de communes apportent aussi leurs signatures aux candidats.
On peut ainsi remarquer que moins un candidat est installé, plus il trouve de soutiens parmi les maires. Jacques Cheminade dispose ainsi de 499 signatures venues de maires, Nathalie Arthaud 498, Nicolas Dupont-Aignan 479 et Philippe Poutou 470 contre seulement 244 pour Éva Joly et 366 pour Jean-Luc Mélenchon.
En recoupant les listes de maires avec les données de population des communes fournies par l’INSEE, on constate également que les candidats ayant des difficultés à obtenir leurs parrainages ont surtout du succès auprès des maires des petites villes.
Quant aux parrains issus du Parlement ou du Parlement européen, on les trouve essentiellement en soutien des deux partis principaux, UMP et PS, qui occupent l’essentiel des sièges de ces assemblées. Ainsi Nicolas Sarkozy dispose 47 signatures de députés, François Hollande en a 17, contre 0 pour Cheminade, Arthaud, Poutou, Le Pen, et les autres.
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Crédit photo Ophelia Noor pour OWNI
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